Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/174

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de solennité que de violence et d’injustice, pour une guerre qui ne regardoit uniquement que la maison d’Autriche, et point du tout l’empire. Mais l’Allemagne étoit subjuguée depuis Charles-Quint, et quoique ses successeurs à l’empire n’eussent pas la moitié des États et de la puissance qu’il possédoit, ils surent bien soutenir l’autorité qu’il leur avoit acquise. La proscription du palatin en fut un exemple éclatant. Cet empereur-ci, soutenu de toute l’Europe et maître de la Bavière, n’eut garde de faire moins. Parmi ces hauteurs, il venoit de voir sa maison de plaisance de Luxembourg, à deux lieues de Vienne, brûlée par les mécontents, et des Alleurs que le roi tenoit auprès de Ragotzi l’assuroit de leurs forces et de leur éloignement pour tout accommodement avec l’empereur. Quoiqu’on eût lieu de s’attendre depuis longtemps à ce ban de l’empire, il ne laissa pas d’étonner et de porter un grand coup pour l’autorité de l’empereur, et pour l’embarras de sortir ces princes d’affaires à la paix.

Tout ce qui s’étoit fait l’année précédente pour former le siège de Turin, qui, prêt à se faire, n’eut pas lieu, rendit pour cette année tous les préparatifs fort prompts. Le dépit si juste contre le duc de Savoie, le succès de Calcinato tout récent et tout grossi, les espérances qu’on concevoit de ses suites l’extrême désir de dépouiller M. de Savoie, et de le réduire en l’état du feu duc Charles IV de Lorraine, affectionnoient le roi à ce projet. Chamillart, plus sage que le monde ne l’a cru, en sentit le poids et en fut effrayé pour son gendre auquel il étoit destiné. Il voulut encore tout bien examiner avec Vauban en présence du roi. Puisqu’il avoit fait la faute autrefois de le prêter à M. de Savoie pour fortifier, ou plutôt pour perfectionner Turin, il étoit bien naturel de le choisir pour en faire le siège. Vauban, toujours le même, proposa son projet d’attaque, et les raisons de ce projet ; il détailla ce qu’il croyoit nécessaire pour réussir ; il offroit, en lui fournissant ce qu’il demandoit, de se charger