Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/210

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années de la vie du roi tout au plus que, rebutés cent et cent fois, ils se le tinrent pour dit.

La Saint-Pierre se fourroit partout, divertissoit le monde et soi-même tant qu’elle pouvoit, avec un air étourdi, mais point du tout méchante ni glorieuse. Le mari étoit un faux Caton, bien glorieux, bien présomptueux, bien insolent, jusqu’à ne prendre pas la peine de voir le roi, de dépit de Marly, quoique ne bougeant de Versailles, méchant et dangereux avec force souterrains, et un froid silencieux et indifférent copié sur d’O, mais avec beaucoup d’esprit. Son nom étoit Castel. Les trois tantes paternelles du maréchal de Bellefonds avoient épousé en 1642 [la première] un Castel ; la seconde un Cadot, qui sont les Sebeville ; la troisième fut mère du maréchal de Villars. Voilà une parenté médiocre. On sait en Normandie quels sont les Gigault ; mais le surprenant est que la mère de ces trois femmes étoit Aux Épaules, bonne et ancienne maison éteinte, dont étoit aussi la mère de la duchesse de Ventadour, mère de la maréchale de Duras, qui n’en rabattoit rien pour cela avec les Saint-Pierre.

S’il n’est pas temps encore de parler du personnel de M. le duc d’Orléans, je ne puis différer de dire de quelle façon j’étois avec lui depuis que j’étois entré dans son commerce, de la façon dont je l’ai raconté en son lieu. L’amitié et la confiance pour moi étoit entière, j’y répondis toujours avec le plus sincère attachement. Je le voyois presque toutes les après-dînées à Versailles, seul dans son entresol. Il me faisoit des reproches quand le hasard rendoit mes visites plus rares, et il me permettoit de lui en parler en toute liberté. Aucun chapitre ne nous échappoit, il se répandoit sur tous avec moi, et il trouvoit bon que je ne lui cachasse rien sur lui-même. Je ne le voyois qu’à Versailles et à Marly, c’est-à-dire à la cour, et jamais à Paris. Outre que je n’y étois presque point, et que, quand j’y allois pour y coucher une nuit, et rarement deux, c’étoit pour des devoirs ou des affaires ; ses compagnies, ses parties, la vie qu’il menoit à