Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/227

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ne songea pas à l’en avertir. Marsin, après lui, en usa de même ; Tallard aussi, pour le peu de temps qu’il y fut. Le mal venoit de plus loin. Boufflers en Flandre avoit tout gâté le premier : non seulement il étoit maréchal de France et général d’armée, mais il étoit duc. Jamais avant lui aucun duc n’avoit vécu avec les électeurs qu’en égalité entière. La main, sièges égaux, service égal à table, la main chez eux et partout les mêmes honneurs. Le monseigneur à dire et à écrire jamais imaginé, altesse électorale rarement, excellence de même.

Ces faits ne sont pas douteux ; on en voit des restes dans les Voyages de Montconis, qui conduisit le duc de Chevreuse, fils du duc de Luynes en quelques-uns. Il remarque cette égalité parfaite à Heidelberg ; qu’à la vérité l’électeur palatin se tint au lit se prétextant malade, apparemment pour éviter la main ; mais il donna à dîner dans son lit au duc de Chevreuse, traité et servi comme l’électeur, les mêmes honneurs militaires et civils qu’à l’électeur à son arrivée et dans tout le traitement de son séjour, et le prince électoral lui faisant les honneurs partout à la place de son père. Ces Voyages où cela est bien exprimé sont entre les mains de tout le monde. Il remarque aussi que le peu des autres électeurs dans les États desquels ils passèrent y firent rendre au duc de Chevreuse toutes sortes d’honneurs, mais s’absentèrent, en sorte qu’avec des prétextes et des excuses, ils évitèrent de le voir. Il n’y avoit que la main qui les tînt, et ne faisoient point de difficulté sur le reste.

Celle de la main étoit nouvelle, j’en expliquerai la raison dans un moment. Le duc de Rohan-Chabot, qui fut depuis gendre de M. de Vardes, alla voyager fort jeune. Sur le point de partir, M. de Lyonne, ministre et secrétaire d’État des affaires étrangères, lui envoya un compliment d’excuse, et le prier de passer chez lui. M. de Rohan y fut. M. de Lyonne lui dit que le roi ne le vouloit pas laisser partir sans une instruction sur sa conduite à l’égard des princes chez