Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/236

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réformé et ordonné à son passage au siège, allant joindre M. de Vendôme. Cela lui parut si essentiel pour le succès qu’il le fit rétablir, quoique avec douceur et modestie. En effet, avec le chemin couvert pris, il se pouvoit dire qu’il ne trouva aucun progrès au siège. La Feuillade avoit perdu des contre-gardes et d’autres ouvrages qu’il avoit pris, et qui avoient coûté plusieurs ingénieurs et beaucoup de monde. Rien n’avançoit, et de plus, on ne savoit par où s’y prendre pour avancer. La Feuillade, devenu de mauvaise humeur de son peu de succès, s’étoit rendu inabordable, et s’étoit acquis une telle haine des officiers généraux et particuliers, qu’ils ne se soucioient plus, pas un, des événements. M. le duc d’Orléans reconnut les postes et les travaux du siège ; il visita les lignes et le terrain par où le prince Eugène pouvoit venir et tenter le secours. Il fut mal content de tout ce qu’il remarqua au siège, il trouva les lignes mauvaises, très imparfaites, très vastes et très mal gardées.

Il recevoit cependant des avis de toutes parts que l’armée impériale s’avançoit, résolue de tenter le secours. Il voulut marcher à elle et se saisir des passages de la Doire pour y faire à la vérité moins sûrement et moins bien qu’à ceux du Taner, mais mieux au moins que dans des lignes si étendues, si mal faites et si impossibles à garder partout. Il trouva la même opposition pour la Doire qu’il avoit éprouvée pour le Taner. Marsin prétendit qu’en s’éloignant du siège, on pourroit jeter de la poudre dans la place qui en manquoit, dont on ne pouvoit douter parce qu’on avoit trouvé plusieurs peaux de bouc qui en étoient pleines nageant sur le Pô, qu’on y avoit prises, et qui y avoient été jetées dans l’espérance que le courant de l’eau les porteroit aux assiégés. Le fait étoit vrai, mais la réponse aisée. Ce que craignoit Marsin étoit incertain, et il ne l’étoit pas que ces poudres jetées dans la place n’en différeroient que peu la prise et ne la pourroient empêcher si le prince Eugène l’étoit de la