Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/267

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se retira à Bayreuth chez son père. La paix signée en secret, le roi Auguste, forcé par le reste de son parti en Pologne à qui il n’avoit osé l’avouer, attaqua un corps de Suédois commandé par le général Mardefeld, fort inférieur, qu’il défit. Mardefeld y perdit trois mille hommes, et se retira en Silésie, dont l’empereur n’osa se fâcher. Là-dessus le roi de Suède éclata comme contre un manque de foi insigne. C’est ce qui lui fit imposer au roi Auguste les conditions les plus humiliantes, et achever de ruiner ses pays par tout ce qu’il en exigea. Il dicta la paix par laquelle, outre beaucoup d’autres détails, il le fit consentir à abandonner tout ce qu’il lui restoit de partis, et la Pologne avec la Lituanie à Stanislas, à en quitter le titre et ne porter plus que celui de roi-électeur, de souffrir toute l’armée suédoise en Saxe, aux dépens du pays jusqu’au mois de mai, c’est-à-dire six grands mois encore, de livrer ce qu’il avoit en Saxe de troupes moscovites et de renoncer à toute alliance avec le czar, de remettre en liberté les deux Sobieski, fils du feu roi de Pologne, enfin de lui envoyer pieds et poings liés le général Patkul, auquel incontinent après il fit couper publiquement la tête.

Ce Patkul étoit passé en Pologne sur ce que, étant député à Stockholm de la noblesse de Livonie poussée à bout par la chambre des révisions qui ruina la Suède sous le précédent règne et en anéantit l’ancienne noblesse, et dont les exactions, et ceux qui les exerçoient étoient encore plus insupportables, il avoit parlé avec tant de liberté qu’il avoit été obligé de s’enfuir. C’étoit un homme de tête, de ressource et de grand courage, qui étoit fort suivi et fort accrédité dans son pays, lequel étoit outré contre la Suède, et plus encore contre ses ministres. Patkul, n’espérant plus de sûreté sous cette domination, ne songea qu’à se venger de la Suède. Il persuada, au roi Auguste d’entrer en Livonie et d’y appeler les Moscovites. Le succès répondit à ce qu’il s’en étoit proposé. Aucun général ennemi ne nuisit plus que lui aux Sué-