Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/378

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7 mars, Beringhen, premier écuyer du roi, l’ayant suivi à sa promenade à Marly, et en étant revenu à sa suite à Versailles, en partit à sept heures du soir pour aller coucher à Paris, seul dans son carrosse, c’est-à-dire un carrosse du roi, deux valets de pied du roi derrière, et un garçon d’attelage portant le flambeau devant lui sur le septième cheval. Il fut arrêté dans la plaine de Billancourt, entre une ferme qui est sur le chemin, assez près du bout du pont de Sèvres, et un cabaret dit le Point-du-Jour. Quinze ou seize hommes à cheval l’environnèrent et l’emmenèrent. Le cocher tourna bride, et remena le carrosse et les deux valets de pied à Versailles, où dans l’instant de leur arrivée le roi en fut informé, qui envoya ordre aux quatre secrétaires d’État à Versailles, à l’Étang et à Paris où ils étoient, d’envoyer à l’instant des courriers partout sur les frontières avertir les gouverneurs de garder les passages, sur ce qu’on avoit su qu’un parti ennemi étoit entré en Artois, qu’il n’y avoit commis aucun désordre, et qu’il n’étoit point rentré.

On eut peine d’abord à se persuader que ce fût un parti ; mais la réflexion que M. le Premier n’avoit point d’ennemis, que ce n’étoit point un homme en réputation d’argent bon à rançonner, et qu’il n’étoit arrivé d’incident de ce genre à pas un de ces gros financiers, fit qu’on revint à croire que ce pouvoit être un parti.

C’en étoit un en effet. Un nommé Guetem, violon de l’électeur de Bavière, lors de la dernière guerre qu’il faisoit alors avec les alliés contre la France s’étoit mis dans leurs troupes, où, passant par les degrés, il étoit devenu très bon et très hardi partisan, et par là étoit monté au grade de colonel dans les troupes de Hollande. Causant un soir avec ses camarades, il paria qu’il enlèveroit quelqu’un de marque entre Paris et Versailles. Il obtint un passeport des généraux ennemis et trente hommes choisis, presque tous officiers. Ils passèrent les rivières déguisés en marchands, ce qui leur servit à poster leurs relais. Plusieurs d’eux avoient