Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/397

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Avant que de rentrer dans des récits plus importants, je me souviens que je n’ai point encore parlé de ce qu’on appeloit à la cour les parvulo de Meudon, et il est nécessaire d’expliquer cette manière de chiffre pour l’intelligence de plusieurs choses que j’aurai à raconter. On a vu (t. Ier, p. 212) l’aventure de Mme la princesse de Conti, pourquoi et comment elle chassa Mlle Choin, qui elle étoit, et quels étoient ses amis et l’attachement de Monseigneur pour elle. Ce goût ne fit qu’augmenter par la difficulté de se voir. Mme de Lislebonne et ses filles en avoient presque seules le secret, nonobstant tout ce qu’elles devoient à Mme la princesse de Conti. Elles fomentoient ce goût qui les entretenoit dans une confidence dont elles se proposoient de tirer de grands partis dans les suites.

Mlle Choin s’étoit retirée à Paris auprès du petit Saint-Antoine, chez Lacroix, son parent, receveur général des finances, où elle vivoit fort cachée. Elle étoit avertie des jours rares que Monseigneur venoit dîner seul à Meudon, sans y coucher, pour ses bâtiments ou pour ses plantages ; elle s’y rendoit la veille à la nuit, dans un fiacre, passoit les cours à pied, mal vêtue, comme une femme fort du commun qui va voir quelque officier à Meudon, et par les derrières entroit dans un entresol de l’appartement de Monseigneur, où il alloit passer quelques heures avec elle. Dans la suite, elle y fut de même façon, niais avec une femme de chambre, son paquet dans sa poche, à la nuit, la veille des jours que Monseigneur y venoit coucher. Elle y demeuroit sans voir qui que ce soit que lui, enfermée avec sa femme de chambre, sans sortir de l’entresol, où un garçon du château seul dans la confidence lui portoit à manger.

Bientôt après, du Mont eut la liberté de l’y voir, puis les filles de Mme de Lislebonne, quand il alloit des dames à Meudon. Peu à peu cela s’élargit ; quelques courtisans intimes y furent admis. Sainte-Maure, le comte de Roucy, Biron après, puis un peu davantage et deux ou trois dames,