Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/83

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bientôt de quelle façon il fut tiré du service pour toujours. Elle n’apporta pas un écu en mariage dans une maison fort obérée. Son art et son crédit la rendirent une des plus solidement riches ; mais la beauté heureuse étoit sous Louis XIV la dot des dots, dont Mme de Soubise est bien un autre exemple.

Vers la fin de l’année Tessé maria son fils aîné à la fille de Bouchu, conseiller d’État, duquel j’ai parlé il n’y a pas longtemps. Ce fut le contraire de celui de Mme de Roquelaure, ni esprit, ni art, ni naissance, ni beauté, mais des écus sans nombre, et c’est ce qu’il falloit à Tessé.

Le duc de Duras en fit un plus assorti. Il épousa Mlle de Bournonville, dont tout le bien, qui étoit fort grand, étoit acquis par la mort de son père et de sa mère. Elle étoit à Paris dans un couvent ; la maréchale de Noailles l’avoit souvent chez elle à la cour pour les bals, où elle dansoit à ravir. Jamais personne ne représenta mieux la déesse de la Jeunesse. Elle en avoit tous les agréments et toute la gaieté. La maréchale en fit tellement comme de sa fille qu’elle la maria chez elle et y logea et nourrit les mariés. Qui l’auroit dit au maréchal de Duras qui haïssait le maréchal de Noailles et qui le ménageoit si peu ?

Listenois épousa aussi vers le même temps une fille de la comtesse de Mailly ; ces deux mariages signés et déclarés les derniers jours de cette année ne furent célébrés que les premiers jours de la suivante. Mme du Maine depuis longtemps avoit secoué le joug de l’assiduité, de la complaisance et de tout ce qu’elle appeloit contrainte ; elle ne se soucioit ni du roi ni de M. le Prince qui n’auroit pas [été] bien reçu à contrarier où le roi ne pouvoit plus rien, qui étoit entré dans les raisons de M. du Maine. À la plus légère représentation il essuyoit toutes les hauteurs de l’inégalité du mariage, et souvent pour des riens, des humeurs et des vacarmes qui avec raison lui firent tout craindre pour sa tête. Il prit donc le parti de la laisser faire, et de se laisser ruiner