Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/85

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dans l’instant qu’il l’apprit, et supplia le roi pour lui et pour son neveu que l’affaire fût éclaircie, qu’on punît ceux qui méritoient de l’être ; que, si c’étoit son neveu, il perdît son évêché et sa charge dont il étoit indigne ; mais qu’il étoit juste aussi, s’il étoit innocent, que la réparation de la calomnie fût publique, et proportionnée à la méchanceté qu’on lui avoit voulu faire. L’affaire dura depuis Noël, que le cardinal de Coislin arriva, jusqu’au 18 janvier, que le roi ordonna que le chevau-léger avec toute sa famille irait demander pardon en public à M. de Metz chez lui, dans l’évêché, et que les registres du chapitre de la cathédrale seroient visités, et tout ce qui pouvoit y avoir été mis et qui pouvoit blesser M. de Metz entièrement tiré et ôté, tellement que ce vacarme, épouvantable d’abord, s’en alla bientôt en fumée.

Le rare est que M. de Metz s’étoit fait prêtre de concert avec son oncle, malgré et à l’insu de son père qui le vouloit marier, voyant le marquis de Coislin, son fils aîné (et il n’avoit que ces deux-là), impuissant plus que reconnu depuis son mariage. On crut donc que l’abbé de Coislin, qui avoit une petite abbaye et la survivance de son oncle, se sentant impuissant comme son frère, n’avoit pas voulu, comme lui, s’exposer au mariage, et que cette raison l’en avoit plus éloigné que la peur de mourir de faim, encore plus que son frère. La vérité est qu’il n’avoit que si peu de barbe, qu’on pouvoit dire qu’il n’en avoit point, et qu’encore que sa vie n’eût jamais été ni dévote ni bien mesurée, on n’avoit jamais pu attaquer ses mœurs. La suite de sa vie toujours singulière, parce qu’il l’étoit beaucoup, et qui a été infiniment réglée, appliquée à son diocèse jusqu’à sa mort arrivée en 1733, et tout éclatante des plus grandes et des meilleures couvres en tout genre, et cachées et publiques, a magnifiquement démenti ou l’imprudence ou le guet-apens dont son oncle et lui pensèrent mourir de douleur, et dont la santé du premier ne s’est jamais bien rétablie.