Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ma connoissance, et n’avoit jamais eu lieu d’aimer ni d’estimer sa belle-mère. Il me donna sa parole qu’elle n’auroit point ses lettres d’État, et sur cette parole nous nous mîmes en état cette année-ci de faire juger ce procès à Rouen. J’y avois déjà été une fois qu’il fut appointé. Le Guerchois, avec qui ce procès m’avoit lié de jeunesse, y étoit venu avec moi. Son père y étoit mort procureur général en première réputation, et sa famille la plus proche y occupoit les premières places de la magistrature. M. de Bouillon, et tous les Bouillon qui se souvenoient de ce que j’avois fait dans leur procès de la coadjutorerie de Cluni, n’oublièrent rien pour me le rendre, et ils avoient grand crédit à Rouen. L’affaire, ce nous sembloit, alloit toute seule, nous ne songeâmes point à faire le voyage de Rouen. Tandis qu’on y travailloit à notre affaire, nous allâmes à la Ferté avec M. et Mme de Lauzun et bonne compagnie pour une quinzaine. Il n’y avoit pas huit jours que nous y étions, qu’on nous manda de Rouen que MM. de Brissac et d’Humières y étoient, et que tous nos amis nous conseilloient fort d’y aller. Nous partîmes donc sur-le-champ pour nous y rendre, et nous allâmes loger dans la belle maison d’Hocqueville, premier président de la cour des aides, qui avoit un frère président à mortier. La mère de Guerchois étoit leur sœur ; j’avois eu occasion de faire des plaisirs considérables à plusieurs des principaux de ce parlement ; ce fut donc, dans toute la ville, à qui nous festineroit le plus. Il fallut capituler pour dîner chez nous, parce que nous en voulions donner tous les jours à grand monde, et allions les soirs où nous étions retenus, et nous l’étions toujours et de huit jours d’avance. C’étoient des fêtes plutôt que des soupers. Chez moi, on s’y portoit. Je ne vis jamais gens si polis, si aimables, ni plus magnifiques et de meilleure compagnie. Le mal étoit que nous n’y dormions point, parce qu’il falloit courir la matinée de bonne heure pour notre affaire. MM. de Brissac et d’Humières s’étoient mis dans une hôtellerie et furent peu accueillis.