Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/97

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nous suivit par les rues. Le premier président, extrêmement pressé d’affaires domestiques, avoit bien voulu attendre le succès de mon voyage, quoiqu’il n’en espérât rien. Nous le fûmes remercier et notre ancien et nouveau rapporteur. Nous ne pûmes aborder notre rue, tant elle étoit pleine, et la foule étoit dans la maison. Le feu prit à la cuisine, et ce fut merveille qu’il fut éteint sans dommage, après avoir étrangement menacé et nous avoir converti notre joie en amertume. Il n’y eut que le maître de la maison qui ne s’en émut point, avec une fermeté admirable. Nous dînâmes pourtant en grande compagnie ; et, nos remerciements faits pendant trois ou quatre jours, ma mère s’en retourna à la Ferté, et nous allâmes, Mme de Saint-Simon et moi, voir la mer à Dieppe, puis à Cani, belle maison et belle terre de notre hôte, qui avoit fort désiré de nous y voir.

C’étoit de ces magistrats simples, droits, modestes, des anciens temps, généreux, capables d’amitié et de services, mais justes avant tout. Il étoit fort riche et sans enfants. Sa femme ne sortoit jamais de ce château. Elle étoit sœur de l’abbé Le Boults, mort aumônier du roi, grande, bien faite et avoit été longtemps extrêmement du monde. Comme elle avoit beaucoup d’esprit et un esprit aimable, aisé, gai, elle en avoit conservé toutes les grâces, les manières et la liberté, dans la plus haute dévotion et la vie la plus austère qu’elle menoit depuis plusieurs années, dans une solitude et une oraison presque continuelle, et toujours occupée de bonnes œuvres, et les plus pénibles et les plus pénitentes ; mais tout cela n’étoit que pour elle, on ne s’en apercevoit pas. Tous deux donnoient beaucoup aux pauvres et vivoient dans une grande intelligence. Ils étoient l’admiration de leur pays. Nous les quittâmes à regret pour nous en retourner nous reposer trois semaines à la Ferté, et de là à la cour.

Mme d’Aumont ne pouvoit comprendre le succès de son affaire, dont elle devint furieuse. Elle avoit escamoté d’autorité les lettres d’État à l’intendant de son beau-fils, qui de