Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/131

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de la négociation de la paix particulière de Savoie et du mariage de Mme la duchesse de Bourgogne. Son patron Louvois étoit mort alors, Barbezieux, à peine en fonction, n’avoit pas encore les reins assez forts pour porter bien haut personne, et ce fut au seul Catinat à qui Tessé dut la confiance de ce traité qui lui valut sa charge, le poussa rapidement au grand, et acheva sa fortune. On a vu qu’il la trouva trop lente, et de quelle ingratitude il paya son bienfaiteur en cette même Italie, sans aucune autre, cause que de l’accélérer à ses dépens, combien il y fut trompé et Vaudemont aussi dont il avoit fait son nouveau maître par l’envoi du maréchal de Villeroy, et toutes ses souplesses avec celui-ci qui ne furent pas capables de l’empêcher de l’arrêter sur ses excès à l’égard de Catinat. Je l’ai dit plus d’une fois, et je le répète, parce que c’est une expérience infaillible : les injures que l’on a faites se pardonnent infiniment moins que celles qu’on a reçues ; et c’est ce qui engagea Tessé à ne garder aucune mesure avec Catinat, qui en avoit gardé avec lui de si difficiles, et qui, ayant de quoi le perdre et pressé par le roi de parler, ne l’avoit pas voulu. Ce risque commun d’alors de lui et de Chamillart qui l’avoit échappé si belle, excita Tessé pour s’en mettre à l’abri pour toujours, de pousser Chamillart à mettre Catinat hors de portée, et c’est ce que ce ministre exécuta si bien en dépouillant ce général de toutes ses troupes sur le Rhin, pour faire tomber dans le néant en élevant Villars sur le pavois. On a vu depuis Catinat enveloppé de sa gloire, de sa sagesse, de son mérite, retiré en silence à Saint-Gratien, refuser l’ordre, et se tenir dans le silence et l’éloignement.

L’affaire de Provence effraya intérieurement le roi au point de sortir de son caractère pour chercher du remède partout. Il fit secrètement consulter Catinat, qui fit un mémoire là-dessus, qu’il envoya au roi. Le roi le goûta. Je ne sais si l’envie lui reprit de se servir encore de Catinat qui n’en eut