Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/193

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qu’il étoit sûr de ce qu’il avançoit, et crier en maître de l’art avec mépris de cet homme de plume qui vouloit savoir mieux que lui la situation des lieux, le roi, lassé d’une pure question de fait, prit des cartes. On chercha celle où étoit Maestricht, et elle prouva que Bergheyck avoit raison. Un autre que le roi eût senti à ce trait quel étoit ce général de son goût, de son cœur, de sa confiance ; un autre que Vendôme eût été confondu ; mais ce fut Bergheyck qui le demeura de cette scène, et qui ne cessa depuis de trembler de plus en plus de voir les armées en de telles mains, et l’aveuglement du roi pour elles. Il fut renvoyé très promptement en Flandre pour travailler au projet de révolte, et il le fit si utilement qu’on put compter bientôt après sur un solide succès, mais ce succès étoit si dépendant de celui d’Écosse, par lequel il falloit commencer avant que de remuer rien en Flandre que, le premier ayant avorté, ce ne fut que par la spéculation qu’on put juger de ce qui seroit résulté des intelligences et des pratiques de Bergheyck.

On avoit caché dans le village de Montrouge, près Paris, des députés écossois, chargés des pouvoirs des principaux seigneurs du pays et d’une infinité d’autres signatures. Ils pressoient fortement l’expédition. Le roi en donna tous les ordres. On arma trente vaisseaux à Dunkerque et dans les ports voisins, en comptant les bâtiments de transport. Le chevalier de Forbin, qui s’étoit signalé, comme on l’a vu en son temps, dans la mer Adriatique, dans celle du Nord, et sur les côtes d’Angleterre et d’Écosse, fut choisi pour commander l’escadre destinée pour l’Écosse. On envoya quatre millions en Flandre pour le payement des troupes dont on fit avancer six mille hommes sur les côtes vers Dunkerque. Ce qui s’y passoit fut donné pour armements de particuliers, et le mouvement des troupes pour changements de garnisons. Le secret fut observé très entier jusqu’au bout ; mais le mal fut que tout fut très lent. La marine ne fut pas prête à temps ; ce qui dépendit de Chamillart encore plus tard.