Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/254

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apprenti maçon, en titre, en pouvoir, en appointements, réduits à un tiers. Ce fut une sottise ; il eut bientôt après plus d’autorité et de revenu que Mansart, mais en s’y prenant d’une autre manière. En bref, il devint personnage, et le fut toujours depuis de plus en plus.

La Frette mourut en ce temps-ci fort subitement. J’ai parlé du fameux duel qui le fit sortir du royaume avec son frère ; c’étoient peut-être les deux hommes de France les mieux faits et les plus avantageux ; leur nom étoit Gruel, et des plus minces gentilshommes de France, et La Frette un des plus légers fiefs du Perche. Leur grand-père s’attacha au premier comte de Soissons, prince du sang, dont il fut domestique principal, et qui obtint d’Henri IV le pénultième collier de la première promotion de l’ordre du Saint-Esprit, qu’Henri IV fit depuis son sacre, en 1595, aux Augustins à Paris. C’est de lui qu’on fait le conte que disant, en recevant le collier : Domine, non sum dignus, qu’on ne dit plus, et qu’on n’a peut-être jamais dit, Henri IV lui répondit : « Je le sais bien, je le sais bien, c’est pour l’amour de mon cousin de Soissons qui m’en a prié. » La Frette le porta vingt ans, et il étoit gouverneur de Chartres. Son fils le fut aussi, et du Pont-Saint-Esprit. Il fut encore capitaine des gardes de Gaston duc d’Orléans, frère de Louis XIII. Le comte de Saint-Aignan, depuis duc et pair et père du duc de. Beauvilliers, et lui, épousèrent les deux sœurs de même nom que Servien, surintendant des finances. Celle que La Frette épousa étoit veuve en premières noces d’un Le Ferron, dont une fille unique fort riche, veuve en premières noces, sans enfants, de Saint-Mégrin, dont j’ai parlé ailleurs, tué au combat du faubourg Saint-Antoine, [fut] remariée au duc de Chaulnes, tellement que ces La Frette dont il est question ici étoient frères de mère de la duchesse de Chaulnes, et cousins germains du duc de Beauvilliers, qui les servirent toute leur vie de tout leur pouvoir, ce qui leur fut d’une grande protection et considération.