Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/314

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si différent de ce qu’il s’étoit si opiniâtrement promis, se mit à soutenir qu’il ne pouvoit être véritable. Comme il disputoit là-dessus avec grande chaleur, arriva un officier par qui Biron envoyoit confirmer le fait, qui ne fit qu’irriter et opiniâtrer Vendôme de plus en plus. Un troisième avis confirmatif de Biron le fit emporter ; et pourtant se lever de table, ou de ce qui en servoit, avec dépit, et monter à cheval, en maintenant toujours qu’il faudroit donc que les diables les eussent portés là, et que cette diligence étoit impossible. Il renvoya le premier aide de camp arrivé dire à Biron qu’il chargeât les ennemis, et qu’il seroit tout à l’heure à lui pour le soutenir avec des troupes. Il dit aux princes de suivre doucement avec le gros de l’armée, tandis qu’il alloit prendre la tête des colonnes et se porter vers Biron le plus légèrement qu’il pourroit. Biron cependant posta ce qu’il avoit de troupes le mieux qu’il put dans un terrain fort inégal et fort coupé, occupant un village et des haies, et bordant un ravin profond et escarpé, après quoi il se mit à visiter sa droite, et vit la tête de l’armée ennemie très proche de lui. Il eut envie d’exécuter l’ordre qu’il venoit de recevoir de charger, mais dans aucune espérance qu’il conçût d’un combat si étrangement disproportionné que pour se mettre à couvert des propos d’un général sans mesure, et si propre à rejeter sur lui, et sur n’avoir pas exécuté ses ordres, toutes les mauvaises suites qui se prévoyoient déjà. Dans ces moments de perplexité arriva Puységur avec le campement, qui, après avoir reconnu de quoi il s’agissoit, conseilla fort à Biron de se bien garder d’engager un combat si fort à risquer. Quelques moments après survint le maréchal de Matignon qui, sur l’inspection des choses et le compte que Biron lui rendit de l’ordre qu’il avoit reçu de charger, lui défendit très expressément de l’exécuter, et le prit même sur lui.

Tandis que cela se passoit, Biron entendit un grand feu sur sa gauche, au delà du village. Il y courut et y trouva