Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/322

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brigadier de réputation, tués ; quatre mille hommes et sept cents officiers prisonniers à Audenarde, sans ce qu’on en sut depuis, et la dispersion, qui fut prodigieuse.

Dès que Mgr le duc de Bourgogne fut à Lawendeghem, il écrivit au roi en fort peu de mots, et se remit du détail au duc de Vendôme. En même temps, il manda à Mme la duchesse de Bourgogne, en termes formels, que l’ordinaire opiniâtreté et sécurité du duc de Vendôme, qui l’avoit empêché de marcher deux jours au moins plus tard qu’il ne falloit, et que lui ne vouloit, causoit le triste événement qui venoit d’arriver ; qu’un autre pareil lui feroit quitter le métier, s’il n’en étoit empêché par des ordres précis auxquels il devoit une obéissance aveugle ; qu’il ne comprenoit ni l’attaque, ni le combat, ni la retraite ; qu’il en étoit si outré qu’il n’en pouvoit dire davantage. Le courrier qui portoit ces lettres en prit, en passant à Gand, une que Vendôme écrivit au roi, de cette ville, en se mettant au lit, par laquelle il tâchoit de persuader, en une page, que le combat n’étoit pas désavantageux. Peu après il en dépêcha une autre par laquelle il manda au roi, mais en peu de mots, qu’il auroit battu les ennemis s’il avoit été soutenu ; et que si, contre son avis, on ne se fût pas opiniâtré à la retraite, il les auroit certainement battus le lendemain ; pour le détail, il s’en remettoit à Mgr le duc de Bourgogne. Ainsi ce détail, renvoyé de l’un à l’autre, ne vint point, aigrit la curiosité, et commença les ténèbres dans lesquelles Vendôme avoit intérêt de se sauver. Un troisième courrier apporta au roi une fort longue dépêche, toute de la main de Mgr le duc de Bourgogne, une fort courte de M. de Vendôme, qui s’excusoit encore du détail sur divers prétextes ; et toutes les lettres que le courrier avoit pour des particuliers, le roi les prit, les lut toutes, une entre autres jusqu’à trois fois de suite, n’en rendit que fort peu et toutes ouvertes. Ce courrier arriva après le souper du roi, tellement que toutes les dames qui suivent leurs princesses dans le cabinet le soir