Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/325

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que morceaux détachés les uns après les autres. Mgr le duc de Bourgogne ne fit pas assez de réflexion combien un détail effectif lui importoit à donner, ce que Vendôme n’avoit garde de faire.

Maintenant il faut se souvenir de la situation de la cour et de ses principaux personnages, de leurs vues, de leurs intérêts que j’ai expliqués en divers endroits, et surtout de ma conversation avec le duc de Beauvilliers, dans le bas des jardins de Marly, sur la destination de Mgr le duc de Bourgogne pour la Flandre. On y a vu la liaison intime des bâtards avec Vaudemont et ses puissantes nièces, et de Vendôme principalement ; celle des valets intérieurs principaux avec eux, et Bloin surtout, le mieux de tous, et le plus dans la confiance libre du roi, celui de tous aussi qui étoit le plus délié, le plus hardi, le plus précautionné, qui avoit le plus d’esprit et de monde, qui voyoit le plus, de bonne compagnie et de plus choisie, le plus initié dans tout par ses galanteries, et qui, outre sa place de premier valet de chambre, avoit cent occasions de voir le roi à revers tous les jours, et de prendre tous ses moments par ses détails continuels de Versailles et de Marly dont il étoit le gouverneur et le tout, par une assiduité sans quitter jamais, et par être sans cesse dans les cabinets à toutes les heures de la journée. Il venoit à Fontainebleau, y passoit du temps, et, là comme ailleurs, disposoit des garçons bleus de tout le subalterne intérieur, et de ces dangereux Suisses, espions et rapporteurs dont j’ai parlé à propos de la scène terrible sur Courtenvaux. [Il faut se rappeler] l’abandon de Chamillart, d’ailleurs si entêté, à M. de Vendôme, à M. du Maine qu’il avoit pris pour protecteur, surtout à M. de Vaudemont qui étoit son oracle et qui lui faisoit faire tout ce qu’il vouloit à l’instant, même les choses les plus contraires à son goût et à son opinion, dont il s’est plu quelquefois à montrer des épreuves qui jamais ne lui ont manqué : ce n’est point trop dire que ce ministre étoit une cire molle entre ses