Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/344

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Berwick tout occupé à le protéger, de gros détachements de la grande armée y marcher encore, et néanmoins n’y pouvoir empêcher le désordre. Ce n’est pas là une inaction et dans un pays jusqu’alors si fort éloigné de ces ravages. À l’égard de la confiance, pas un officier supérieur n’en eut en M. de Vendôme. La licence, le peu de subordination, la tolérance de tout, la familiarité affectée avec le menu avoient gagné le soldat, le cavalier, le dragon, le menu officier, et la jeunesse débauchée, inappliquée, licencieuse. Tout cela adoroit M. de Vendôme, tout cela faisoit la multitude et le cri public, tout cela se répandoit dans les garnisons, dans les provinces, dans Paris, où la cabale savoit bien en tirer toutes sortes d’avantages. « Or vous voyez, continue la lettre, quelles places ! et si jamais ils attaquent quelques-unes de ces places, M. de Vendôme prendra Audenarde, et se rendra maître de tout l’Escaut, et vous n’avez qu’à regarder la carte pour voir combien les ennemis seroient embarrassés. »

Cela s’appelle payer bien hardiment d’effronterie. L’impossibilité de la négative force Albéroni de laisser glisser un aveu tacite que le succès de ce combat met les ennemis en moyen de faire le siège de celle de ces quatre grandes places qu’ils voudront ; et il tâche d’éblouir là-dessus, en promettant les prouesses de son héros sur Audenarde en ce cas, et sur l’Escaut. Il sent bien ce que c’est qu’Audenarde pour être le juste équivalent d’une de ces places si importantes, dont les unes ferment toute entrée dans le pays ennemi, et les autres l’ouvrent entièrement dans le nôtre ; il renvoie donc à la carte par une habile réticence, comptant bien que le très grand nombre qui ne connoît rien par rapport aux mouvements des armées, l’en croira sur sa parole, en les étourdissant de ce grand mot de devenir maîtres de l’Escaut. La suite de cette campagne infortunée a montré les avantages que M. de Vendôme sut tirer de sa défaite et de vanteries prématurées de son valet. Je n’aurai que trop