Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/375

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

M. du Maine écuma ce qui se passoit. Il prit l’alarme sur la froideur du roi à l’égard de la ligue d’Italie, et sur l’envoi très possible du prince de Conti en Flandre, qui étoit l’unique chose à faire pour y prévenir tous les inconvénients d’une division devenue sans remède et la moindre satisfaction raisonnablement due à Mgr le duc de Bourgogne. Les chefs de la cabale, avertis par celui-ci qui en étoit l’âme, n’en furent pas moins effarouchés que lui. Après tant de grands pas faits et si éclatants pour réussir dans leur dessein, c’eût été pour eux le dernier désespoir de se voir privés de la massue qui avoit déjà si bien joué sur le jeune prince, et de laquelle ils se proposoient bien de l’atterrer sans ressources avant la fin de la campagne. Vaudemont vint au secours. Il fit un mémoire sur la ligue d’Italie qui ne laissa rien à désirer sur son utilité, sa possibilité et son exécution prompte. Soit que Tessé, dans une fortune qui ne pouvant plus croître ne demandoit plus que le bon esprit d’en savoir jouir en repos, eût encore le désir de faire, soit que Vaudemont l’eût entêté de l’emploi d’Italie, il lui donna comme par amitié son mémoire, à condition, pour se mieux cacher et [le] produire plus efficacement, que Tessé le donneroit comme sien. Torcy, à qui il le remit, avoit toujours été d’avis de cette ligue. Il trouva le mémoire frappant. Il en fut d’autant plus surpris qu’il connoissoit la portée de Tessé. Il le lut au conseil, et y fut applaudi, et il détermina le roi. Presque aussitôt après, le roi donna audience particulière au nonce, après à l’ambassadeur de Venise, enfin à M. le prince de Conti, qu’il fit entrer dans son cabinet. Le tête-à-tête y fut court. Le prince alla de là chez lui, où le nonce vint et y fut longtemps enfermé avec lui. Dans le haut de l’après-dînée il fut chez Mme de Maintenon à la ville fort longtemps. C’étoit le lieu où, à Fontainebleau, elle faisoit venir ceux qu’elle vouloit entretenir à loisir sans être interrompue. Je ne crois pas qu’elle eût jamais entretenu M. le prince de Conti de la sorte, ni même guère