Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/392

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m’accuser d’improuver tout, d’être mécontent et de me délecter de tous les mauvais succès. Ces propos furent soigneusement portés jusqu’au roi ; ils lui furent adroitement persuadés ; cette réputation de tant d’esprit et d’instruction, dont ils s’étoient si bien trouvés après mon choix pour Rome, fut renouvelée et rafraîchie dans son esprit avec art, et je me trouvai entièrement perdu auprès de lui sans le savoir que plus de deux mois après, et sans même me douter de rien à son égard de fort longtemps. Tout ce que je pus alors fut de laisser tomber ce grand bruit, et me taire pour ne pas donner lieu à pis.

Enfin ce courrier de Mons-en-Puelle tant attendu arriva, et ne fit que renouveler les transes et l’aigreur des esprits. Il rapporta que l’armée étoit enfin à Mons-en-Puelle campée sur quatre lignes, la droite vers Blouïs, la gauche sur Tumières, la réserve et les dragons à Alligny-sur-la-Marck, dans laquelle il n’y avoit pas une goutte d’eau ; qu’on attendoit Saint-Hilaire et sa nombreuse artillerie venant de Douai ; que les ennemis avoient leur droite appuyée vers Hennequin à un marais, leur gauche à Frettin et un autre marais, plusieurs chemins creux devant eux, surtout à leur droite ; qu’ils occupoient le village d’Entiers devant leur gauche ; qu’ils se retranchoient partout, et Entiers même, et qu’ils travailloient à établir quantité de batteries ; que notre armée se disposoit à déboucher devant eux dans la plaine pour se mettre en bataille et tâcher à les chasser de là ; que nous occupions les châteaux de Plouy-de-l’Assessoy et du Roseau, et la cense d’Ainville ; que ce débouché n’avoit qu’un quart de lieue de large entre les bois du Roi à gauche et le château du Roseau à droite, où commence un pays inaccessible ; qu’on y travailloit à faire huit chemins ; que notre grosse artillerie devoit aller par Falempin, parce qu’on comptoit de porter notre gauche par Seclin, vis-à-vis la droite des ennemis. En cette disposition, il y avoit deux partis à choisir, l’un de déposter les ennemis de vive force,