Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/409

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quelqu’un osât parler en faveur de son petit-fils, réprimanda publiquement, le prince de Conti qui le faisoit en toute occasion, et qui haïssait Vendôme, d’avoir parlé et raisonné des affaires de Flandre chez la princesse de Conti, sa belle-soeur, tandis qu’on ne parloit et qu’on ne s’entretenoit d’autre chose à Versailles. Pour d’écriture, il n’en étoit point. Personne n’osoit rien mander à l’armée de ce qu’il se passoit et se disoit à Paris et à la cour, ni de l’armée rien qui pût éclaircir ni apprendre quoi que ce fût, tant la terreur de Vendôme y étoit répandue.

Mgr le duc de Bourgogne vivoit à l’armée en de cruelles brassières. Sa douceur, sa timidité, sa piété avoient augmenté l’audace, et l’audace portée à l’excès avoit achevé de l’abattre. M. de ’Beauvilliers, plus timide qu’il ne devoit l’être, M. de Chevreuse, enchaîné de raisonnements et de mesure, se désoloient avec moi, et m’avouoient souvent que je ne leur avois prédit que trop vrai, et vu que trop clair. Mais de remède, ils n’en voyoient que dans la patience, dans le retour de l’armée qui éclairciroit bien des choses, et dans le temps ; et quand je les pressois pour des partis plus prompts et plus décents, ils me fermoient la bouche, ils s’affligeoient de ce qu’il n’étoit plus temps, ils m’opposoient la volonté impuissante de Mme de Maintenon qui se laissoit voir entière sur cet article au duc de Beauvilliers, comme je l’ai déjà dit ; et à cette réponse majeure je n’avois rien à répliquer. Je n’ignorois pas où on en étoit de ce côté-là par Mme la duchesse de Bourgogne avec qui mon commerce alloit toujours sur la Flandre par Mme de Nogaret. Le peu de temps que cette princesse pouvoit avoir à elle, elle le donnoit à ses larmes et à écrire, et dans la vérité, elle parut infatigable, et pleine de force et de bons conseils. Mme de Maintenon étoit touchée au dernier point de sa douleur, et piquée au vif de sentir, pour la première fois de sa vie, qu’il y avoit des gens qui, par rapport à eux, avoient pris sur elle le dessus auprès du roi.