Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/421

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incommodité, et presque plus de viande. Tant d’insurmontables nécessités résolurent enfin le maréchal de Boufflers, de l’avis de toute sa brave garnison, de battre la chamade. Il ne lui fut rien refusé de tout ce qu’il demanda. Les principaux articles furent que les malades et blessés qui sont dans la ville pourront être transportés dans nos places ; que les mille huit cents chevaux entrés avec le chevalier de Luxembourg seront conduits à Douai par le plus court chemin, les privilèges des habitants conservés, et quatre jours accordés à M. de Boufflers pour se retirer dans la citadelle avec tout ce qu’il y voudra faire entrer en tout genre. Cette capitulation fut signée le 23 octobre, après deux mois de tranchée ouverte, et avoir combattu sans cesse à disputer le terrain jusqu’à un pouce.

Ce qu’il y eut de singulier en cette capitulation fut la liberté de l’envoyer à Mgr le duc de Bourgogne pour être tenue, s’il l’approuvoit, sinon demeurer nulle et comme non avenue. Je dis exprès Mgr le duc de Bourgogne. Boufflers avoit expressément obtenu du roi, et en partant, qu’il ne prendroit et ne recevroit jamais l’ordre, ni aucuns ordres du duc de Vendôme, qu’il ne lui seroit subordonné en aucun cas possible, et qu’il ne reconnoîtroit que Mgr le duc de Bourgogne. Coetquen fut chargé de la lui porter à son camp sous Tournai. Il le trouva jouant au volant, et sachant déjà la triste nouvelle. La vérité est que la partie n’en fut pas interrompue, et que, tandis qu’elle s’acheva, Coetquen alla voir qui il lui plut. Cette réception fut étrangement blâmée, et scandalisa fort l’armée avec raison, dont la cabale ennemie tira de nouvelles armes contre le prince. Coetquen retourna vers lui avec l’approbation de la capitulation, et chargé de louanges pour le maréchal et pour sa garnison, mais avec point ou fort peu d’argent. Boufflers envoya au roi Tournefort, entré avec le chevalier de Luxembourg, et lieutenant des gardes du corps, rendre compte de sa défense, qui reçut de la cour, de Paris, et de toute l’Europe,