Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/52

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et de la façon dont elle l’en avoit payée, l’accablèrent tout à coup à cette nouvelle. Les larmes la gagnèrent, que faute de meilleur asile, elle fut cacher à sa chaise percée ; Mme la duchesse de Bourgogne qui l’y poursuivit en demeura sans parole d’étonnement. Elle ne fut pas moins surprise de la parfaite insensibilité du roi après un amour si passionné de tant d’années ; elle ne put se contenir de le lui témoigner. Il lui répondit tranquillement que, depuis qu’il l’avoit congédiée, il avoit compté ne la revoir jamais, qu’ainsi elle étoit dès lors morte pour lui. Il est aisé de juger que la douleur des enfants qu’il en avoit ne lui plut pas. Quoique redouté au dernier point, elle eut son cours, et il fut long. Toute la cour les fut voir sans leur rien dire, et le spectacle ne laissa pas d’en être curieux. Un contraste entre eux et la princesse de Conti ne le fut pas moins, et les humilia beaucoup. Celle-ci étoit en deuil de sa tante, Mme de La Vallière, qui venoit de mourir. Les enfants du roi et de Mme de Montespan n’osèrent porter aucun deuil d’une mère non reconnue. Il n’y parut qu’au négligé, au retranchement de toute parure et de tout divertissement, même du jeu qu’elles s’interdirent pour longtemps, ainsi que le comte de Toulouse. La vie et la conduite d’une si fameuse maîtresse depuis sa retraite forcée m’a paru être une chose assez curieuse pouf s’y étendre, et l’effet de sa mort propre à caractériser la cour.

D’Antin, délivré des devoirs à rendre à une mère impérieuse, fut plus sensible à ce soulagement qu’à la cessation de tout ce qu’il tiroit d’elle depuis sa dévotion. Cette raison et celles de ses sœurs bâtardes et du comte de Toulouse à qui il vouloit plaire, et qui aimoient et rendoient tant à leur mère, l’y rendoit plus attentif. La pénitence la rendoit libérale pour lui ; mais son cœur n’avoit jamais pu s’ouvrir sur le fils qu’elle avoit eu de son mari, toute la place en étoit prise par ses autres enfants. La contrainte qu’elle se donnoit sur ceux-ci augmentoit sa peine à l’égard de l’autre pour qui tout étoit