Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/68

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comme souveraine, comme sœur du dernier possesseur, qui n’avoit pu disposer de Neuchâtel comme de ses autres biens. Le prince de Conti en essuya une récidive confirmative de ce premier préjugé. Ceux de Neuchâtel s’indignèrent contre la veuve de ce bâtard, contre la donation de Neuchâtel faite à son mari et à leurs enfants, contre le nom qu’elle en osoit usurper. Ils la chassèrent comme n’ayant aucun droit, et la firent honteusement sortir de leur ville et de tout leur petit État. C’étoit bien déclarer à M. le prince de Conti le peu d’état qu’ils faisoient d’un droit sur eux, à titre de donation, égale pour Mme de Neuchâtel et pour lui.

Ces fiers bourgeois, pendant ces disputes, voyoient les prétendants briguer à leurs pieds leurs suffrages, lorsqu’il parut au milieu d’eux un ministre de l’électeur de Brandebourg, qui commença par oser disputer le rang au prince de Conti. Cette impudence est remarquable, à ce même prince de Conti, à qui, volontaire en Hongrie, à lui et à M. son frère, l’électeur de Bavière, non par un ministre, mais en propre personne et à la tête de ses troupes, auxiliaires dans l’armée de l’empereur, ne l’avoit pas disputé, avoit vécu également et sans façons, et avoit presque toujours marqué attention à passer partout après eux, et à qui le fameux duc de Lorraine, beau-frère de l’empereur, généralissime de ses armées et de celles de l’empire, et qui commandoit celle-là en chef, a toujours cédé partout sans milieu et sans balancer ; et voilà le premier fruit du changement de cérémonial de nos ducs et de nos généraux d’armée avec le même électeur de Bavière, par méprise d’abord, puis suivie, que j’ai racontée en son lieu. D’alléguer que l’électeur de Brandebourg, qui comme tel passoit sans difficulté après l’électeur de Bavière, étoit reconnu roi de Prusse partout, excepté en France, en Espagne et à Rome, de laquelle comme protestant il ne se soucioit point, ç’auroit pu être une raison valable pour sa personne ; mais pour son ministre, on n’a jamais vu de nonce, à qui tous les ambassadeurs des rois,