Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/96

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est que, depuis, jamais le cardinal et moi ne nous sommes parlé de la Lorraine.

On a vu à la mort de l’empereur, duquel jusqu’alors le cardinal fut toujours pleinement la dupe, tous les traités faits et signés par lui contre nous, et la même guerre au moment d’éclore, sous laquelle Louis XIV avoit été au moment de succomber. Les bassesses de Zinzendorf à Soissons, le consentement de l’empereur pour son chapeau, avant la promotion des couronnes, avoient préparé les voies, dont Lecheren et M. de Lorraine surent si dangereusement profiter un mois avant la mort de l’empereur, laquelle fit avorter en même temps que découvrir cette ligue toute dressée, et à l’instant d’agir. Schmerling qui faisoit tout ici pour l’empereur, tandis que le prince de Lichtenstein y étoit ambassadeur de splendeur et de parade, donna dans l’antichambre du cardinal, et publiquement devant tout le monde, une riche chaîne d’or avec la médaille de l’empereur de sa part à Barjac, valet de chambre principal du cardinal, et que tout le monde a connu pour sa familiarité et son crédit avec lui, et lui fit les remercîments de ce prince, des soins qu’il prenoit de la santé de son maître, et que c’étoit pour l’en remercier et l’exhorter à continuer, que l’empereur lui faisoit ce présent. Barjac le reçut, le cardinal fut charmé, et toute la cour en silence et bien étonnée. Pour conclusion, Vanhoey, ambassadeur de Hollande, s’étoit insinué fort avant dans son esprit par ces cajoleries. Il le goûtoit fort, il s’abandonna à lui à cette époque de la mort de l’empereur. Il crut disposer de la Hollande, et il fut constamment entretenu dans cette erreur jusqu’au moment que la dernière révolution de Russie en faveur d’Élisabeth a manifesté la quadruple alliance de l’Angleterre, de la cour de Vienne, du Danemark et de la Russie, où le courrier qui en portoit les ratifications à Pétersbourg y trouva toute la face changée, ceux à qui il la portoit tombés du trône et prisonniers, et Élisabeth, jusqu’alors honnêtement prisonnière, portée à