Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/102

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Roucy admis, La Feuillade refusé de suivre Monseigneur [comme] volontaires. — Rouillé en Hollande. — Caractère de Rouillé. — Conduite de Chamillart à l’égard des autres ministres, dont il embloit le ministère. — Il s’en désiste à l’égard de Torcy, et en signe un écrit. — Affaire fort poussée entre Chamillart et Desmarets, dont le dernier eut l’avantage.


Cependant tout périssoit peu à peu ou plutôt à vue d’œil ; le royaume entièrement épuisé, les troupes point payées, et rebutées d’être toujours mal conduites, et par conséquent toujours malheureuses ; les finances sans ressource, nulle dans la capacité des généraux ni des ministres ; aucun choix que par goût et par intrigue ; rien de puni, rien d’examiné ni de pesé ; impuissance égale de soutenir la guerre et de parvenir à la paix ; tout en silence, en souffrance ; qui que ce soit qui osât porter la main à cette arche chancelante et prête à tomber.

Je m’étois souvent échappé sur tous ces désordres entre les ducs de Chevreuse et de Beauvilliers, et encore plus sur leurs causes. Leur prudence, leur piété rabattoit mes plaintes sans pourtant les détruire. Accoutumés au genre de gouvernement qu’ils avoient toujours vu, et auquel ils avoient part, je mettois des bornes à ma confiance sur les remèdes que je pensois depuis longtemps. J’en étois si rempli qu’il y avoit des années que je les avoir jetés sur le papier, plutôt pour mon soulagement et pour me prouver à moi-même leur utilité et leur possibilité, que dans l’espérance qu’il en pût jamais rien réussir. Ils n’avoient jamais vu le jour, et j e ne m’en étois laissé entendre à personne, lorsqu’une après-dînée, le duc de Chevreuse vint chez moi dans l’appartement du feu M. le maréchal de Larges que j’occupois, et monta tout de suite dans un petit entresol à cheminée dont je faisois mon cabinet, et qu’il connoissoit fort. Il étoit plein de la situation présente, il m’en parla avec amertume, il me proposa de chercher des remèdes.

À mon tour je l’en pressai, je lui demandai s’il en croyoit