Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/169

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les fils aînés des princes de Condé demeure certain, sans que ce peu qui s’est vu de ses fils de France y apporte de variation.

De cela même on doit comprendre que Gaston, frère de Louis XIII, est le premier fils de France qui ait été véritablement et continuellement appelé tout court Monsieur, et qui l’ait affecté. Il est vrai que les histoires et les Mémoires de son temps l’appellent aussi duc d’Orléans, mais il n’est pas moins vrai qu’il y est très-ordinairement nommé aussi tout court Monsieur, et d’une fréquence suivie tout autrement que les fils de France dont on vient de parler. Il est certain de plus que j’ai ouï dire à mon père, qui l’a vu tant d’années sous Louis XIII et depuis, qu’on ne lui donnoit jamais d’autre nom en parlant de lui, et que je l’ai su encore de tous ceux que j’ai vus qui ont vécu dans ces temps-là. On doit donc regarder Gaston comme le premier qui ait véritablement porté le nom de Monsieur, et qui, par l’idée qu’on y a attachée, l’a consacré au premier frère du roi. Cela est si vrai qu’il l’a porté jusqu’à sa mort, parce que les rangs, honneurs et distinctions une fois acquis, ne se perdent point, à la différences des préséances. Gaston cédoit à M. le duc d’Anjou, frère de Louis XIV, qu’il a longtemps vu puisqu’il n’est mort qu’en 1660, pendant le voyage du mariage du roi son neveu, et néanmoins il demeuroit Monsieur.

À sa mort M. le duc d’Anjou l’est devenu à sa place. Il est mort en 1701. Non seulement M. son fils, qui prit alors le nom de duc d’Orléans, avec des honneurs et des avantages que le rang de petit-fils de France, tout grand qu’il est, ne lui donnoit pas, ne fut point appelé Monsieur tout court ; mais M. le duc de Berry, fils de France, de même rang que Monsieur, et qui le précédoit partout, ne le prit point parce qu’il n’étoit pas frère du roi de France, quoiqu’il le fût du roi d’Espagne. On voit donc que ces noms tout courts, qui paraissent si distingués, n’ont dans le fond ni réalité ni avantages, et ne doivent leur être qu’au hasard.