Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/179

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pousse l’évidence au dernier degré, c’est qu’on y voit plusieurs lettres du secrétaire du duc de Mayenne à ce prince, pendant qu’il étoit lieutenant général de l’État et qu’il disputoit à main armée la couronne à Henri IV, dans lesquelles il n’y a point d’Altesse. Rien ne prouve donc plus clairement qu’ils ne la prenoient point alors.

Lors donc que longtemps après ils la prirent à l’occasion que je viens de dire, ils ne la prirent que simple, parce que, quelque grand rang qu’ils aient conservé de leurs usurpations en ce genre pendant la Ligue, il n’étoit plus temps pour eux, non pas de surpasser, mais même de s’égaler aux princes du sang, qui l’avoient prise Sérénissime. Cela dura ainsi jusqu’à ce que MM. de Rohan et de La Tour-Bouillon, étant devenus princes de la manière que je l’ai rapporté (t. Il, p. 155 et t. V, p. 313), et que longtemps après, c’est-à-dire quelques années, ils s’y furent accoutumés et affermis, non contents d’être devenus égaux en distinctions à la maison de Lorraine, ils hasardèrent pour dernier trait de se faire comme eux donner par leurs gens de l’Altesse. Les princes véritables, car en parlant de ceux de Lorraine j’entends aussi les autres qui étoient pour lors en France et qui firent comme eux, indignés déjà de voir ces deux maisons à leur niveau, ne purent souffrir la communauté d’Altesse, et y ajoutèrent le Sérénissime. Cela leur étoit aisé. Personne ne leur a jamais donné d’Altesse que ceux qui en recevoient d’eux réciproquement, et les cardinaux pour en avoir l’Éminence, et encore seulement en s’écrivant, et personne autre ni écrivant ou en parlant que leurs domestiques, et peut-être quelques gens du plus bas étage ; ainsi il ne leur fut pas difficile d’accoutumer leurs gens à les traiter d’Altesse Sérénissime, qui déjà leur donnoient l’Altesse. Ils n’en furent pas plus avancés. MM. de Rohan et de Bouillon ne leur voulurent pas être inférieurs en cela non plus qu’au reste, et se firent donner le Sérénissime chez eux, et on a vu ce que les cardinaux