Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/183

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si peu, bien plus, de tout ce qui lui étoit attaché. C’est ce qui produisit les plaintes que Vendôme en fit au roi et à son retour, tout ce qu’il lui en dit d’étrange, et non content de cette vengeance, de tout ce qu’il en répandit publiquement en propos peu mesurés.

Puységur, si accoutumé aux fréquents particuliers avec le roi, comprit qu’après une si épineuse campagne, il en auroit où il seroit vivement questionné s’il arrivoit à la chaude et prudemment se mit six semaines ou deux mois en panne, chez lui, en Soissonnois, avant que d’arriver à Paris et à la cour. La curiosité refroidie, instruit d’ailleurs des propos que le duc de Vendôme tenoit sur lui, il ne voulut pas, par un plus long séjour, donner à penser qu’il étoit embarrassé de se montrer. Ainsi il arriva.

Peu de jours après, le roi qui l’avoit toujours goûté, peiné de tout ce que M. de Vendôme lui en avoit dit, le fit entrer dans son cabinet, et là tête à tête, lui demanda raison, avec bonté, de mille sottises absurdes qui l’avoient embarrassé. Puységur l’en éclaircit si nettement, que le roi, dans sa surprise, lui avoua que c’étoit M. de Vendôme qui les lui avoit dites. À ce nom, Puységur, qui se sentit piqué, saisit le moment. Il dit au roi d’abord ce qui l’avoit retenu si longtemps chez lui sans paroître, puis détailla naïvement et courageusement les fautes, les inepties, les obstinations, les insolences de M. de Vendôme, avec une précision et une clarté qui rendit le roi très attentif et fécond en questions, et en éclaircissements de plus en plus. Puységur qui les lui donna tous, voyant tant d’ouverture, et le roi demeurer court et persuadé à chaque fois, poussa sa pointe, et lui dit que, puisque Vendôme l’épargnoit si peu après toutes les mesures et les ménagements qu’il avoit toujours gardés avec lui, il se croyoit permis, et même de son devoir pour le bien de son service, de le lui faire connoître une bonne fois. De là, il lui dépeignit le personnel du duc de Vendôme, sa vie ordinaire à l’armée, l’incapacité de son corps, la fausseté