Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/206

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s’agissoit, que, tout effronté qu’il étoit, il en demeura confondu.

Ce galant homme étoit du naturel des rats, qui se hâtent de sortir d’un logis lorsqu’il est près de crouler ; mais il n’eut pas le nez bon. Il furetoit tout et en tant de sortes de lieux qu’il ne lui fut pas difficile de voir le vol que le duc d’Harcourt prenoit, et la décadence de M. de Beauvilliers, à qui il devoit en totalité être et fortune. Le drôle ne balança point de se donner à Harcourt, qui le recueillit comme un transfuge par lequel il espéroit de savoir beaucoup de choses sur des gens qu’il vouloit culbuter pour s’élever sur leurs ruines, et avec lesquels Saumery demeuroit en commerce, sans qu’ils voulussent s’apercevoir d’une conduite que chacun voyoit. Il étoit particulièrement attaché à M. le duc de Bourgogne, quoique Denonville fût l’ancien des trois gouverneurs, et y étoit demeuré ensuite, lorsque Cheverny, d’O, et Gamaches y furent mis. Cheverny avoit la santé ruinée depuis son ambassade en Danemark, et n’étoit pas sur le pied de suivre à la chasse ni à la guerre. Saumery, sous prétexte de son genou, s’exempta de la chasse, et lorsqu’il fut question de la guerre, il fut malade une fois ; les deux autres, il eut besoin des eaux. Il en revint pendant la campagne de Lille à Versailles, où, trouvant les rieurs pour M. de Vendôme, il se mit de leur côté ; et pour être à la mode et s’initier parmi la cabale triomphante, en dit pis que pas un. M. de Chevreuse et M. de Beauvilliers, dont l’aveugle charité n’avoit voulu rien voir ni écouter sur la désertion de Saumery, et qui le traitoient bien, lorsqu’il leur faisoit l’honneur d’aller chez eux, eurent bien de la peine à entendre ce qu’on leur dit de ses propos sur Mgr le duc de Bourgogne. À la fin pourtant, la publicité les convainquit. Ils furent un peu plus froids, mais ce fut tout. Saumery y gagna M. du Maine, qui le fit dans la suite nommer par le roi mourant un des sous-gouverneurs du roi d’aujourd’hui. Sur la fin, c’étoit un seigneur qui se trouvoit fort maltraité de