Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/224

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aussi n’avoit-elle pas un général si madré, et si craint des ministres. Elle manquoit de tout. On fit les derniers efforts pour lui envoyer de l’argent les premiers jours de juin, et y procurer des blés de Bretagne, et en voiturer de Picardie. De l’argent et du pain, il n’y en vint que chiquet à chiquet ; et cette armée se trouva abandonnée souvent à sa propre industrie là-dessus, et souvent pendant de longs intervalles, avec une frontière fort resserrée. Les armées de Dauphiné et de Catalogne étoient beaucoup mieux pour les subsistances, et les troupes en bon état. Il y avoit déjà du temps que le duc de Berwick étoit à la sienne, et qu’il faisoit un camp retranché sous Briançon.

J’ai déjà averti que je ne dirois rien ici des négociations ni des voyages de Rouillé, de Torcy, du maréchal d’Huxelles et de l’abbé de Polignac ensuite, et j’en ai dit la raison. Tout cela se trouvera bien au long et fort en détail et d’original dans les Pièces. Je me contenterai donc de marquer ici que Torcy arriva de la Haye à Versailles, le samedi 1er juin, après un mois juste d’absence. Il ne rapporta rien d’agréable, et fut médiocrement reçu du roi et de Mme de Maintenon chez laquelle il alla d’abord rendre compte au roi. Chamillart et Mme de Maintenon avoient fort blâmé son voyage, parce qu’elle ne l’aimoit pas et que la chose avoit été faite sans elle, Chamillart, par jalousie de métier et dépit du traité, dont j’ai parlé, qu’il fut obligé de signer à Torcy.

Ce retour fit presser dès le lendemain le départ de tous les officiers généraux. L’électeur de Bavière que Torcy avoit vu à ilions, et le maréchal de Villars qu’il avoit entretenu à Arras, étoient informés de l’état des affaires. En même temps on déclara qu’aucun des princes destinés aux armées ne sortiroit de la cour ; et le roi envoya le bâton de maréchal de France à Besons qui commandoit l’armée de Catalogne. Il fut fait seul, et n’étoit pas des plus anciens lieutenants généraux. M. Je duc d’Orléans pressoit fort le roi pour lui depuis