Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des difficultés et une lenteur inexcusables. Ce nonce en avoit fait des plaintes amères en ce temps-là.

Étant le mardi 4 juin dans la galerie de Versailles, attendant que le roi allât à la messe, il avisa le maréchal de Tessé qui causoit avec le maréchal de Boufflers, tous deux seuls et séparés de tout le monde. Le nonce, qui n’avoit point vu Tessé depuis son retour, alla à lui ; et après les premières civilités, se mirent bientôt sur les affaires qui avoient mené Tessé en Italie. Les plaintes dont je viens de parler trouvèrent promptement leur place dans la conversation, auxquelles Cusani ajouta qu’il ne seroit jamais venu à bout d’obtenir la permission qu’il demandoit, sans un millier de pistoles qu’il s’étoit enfin avisé de faire offrir à la femme de Chamillart, dont le payement avoit opéré avec promptitude.

Il parloit à deux ennemis de Chamillart, et il ne fut guère douteux qu’il ne s’y méprenoit pas. On a vu les causes de l’acharnement du maréchal de Boufflers contre le ministre. Tessé, plus en douceur, ne le haïssait pas moins : il ne pouvoit lui pardonner ce qu’il avoit exigé de lui en Dauphiné, en Savoie et en Italie, en faveur de La Feuillade, [ce] qu’on a vu en son lieu, pour le porter rapidement au commandement des armées, ce qui ne put se faire qu’à ses dépens. En flexible Manceau il s’y étoit prêté de bonne grâce dans cette toute-puissance de Chamillart, mais il n’en avoit pas moins senti l’injure d’être obligé de s’anéantir, et de se faire lui-même le pont de La Feuillade pour lui monter sur les épaules et le chasser pour lui succéder, sans oser n’en être pas lui-même le complice. En arrivant il trouva le temps de la vengeance venu, et de l’exercer encore en plaisant à Mme de Maintenon, à Monseigneur, à Mgr [le duc] et à Mme la duchesse de Bourgogne, à tous les gens encore avec qui il tâchoit d’être uni, et qui étoient tous des personnages. Il se jeta donc à eux tout en arrivant.

Ce fut le lendemain de cette aventure qu’il devoit avoir audience de Mme de Maintenon, et du roi ensuite, pour la