Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/268

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par elle du maréchal même, attendit du bénéfice du temps le moment de sortir de tutelle, sans témoigner de s’en lasser, et moins qu’à personne au tuteur qui lui avoit été donné.

Chamillart ayant passé quelque temps aux Bruyères, vint à Paris, dont il avoit toute liberté, et où un si grand changement de fortune demandoit sa présence pour le nouvel arrangement de ses affaires. Pendant qu’il y étoit, Bergheyck vint faire un tour à la cour, et y travailla deux heures avec le roi et Torcy. Il trouva le ministère changé et son ami hors de place, qu’il voulut embrasser avant de s’en retourner. C’étoit les premiers jours de juillet ; j’étois aussi à Paris, où je fus surpris de voir entrer chez moi le maréchal de Boufflers tout en colère, et qui, à peine assis, me dit que tout à l’heure il avoit pensé arriver une belle affaire ; qu’étant chez le duc d’Albe, Chamillart y étoit venu avec Bergheyck ; qu’heureusement Chamillart avoit été sage, qu’ayant vu son carrosse dans la cour, il n’avoit pas voulu entrer et avoit descendu Bergheyck à la porte ; qu’il avoit bien fait, parce que, s’il eût monté et se fût avisé de dire quelque chose, il lui auroit fait la sortie qu’il méritoit, et qu’il continuoit de mériter, puisque, hors du ministère et non content de demeurer à Paris, il conservoit commerce avec les ministres étrangers, visitoit les ambassadeurs et se vouloit encore mêler d’affaires. Le maréchal s’échauffa de plus en plus, se lâcha contre ce mort, comme il faisoit de son vivant, et finit par me dire que je ferois bien de l’avertir de prendre garde à sa conduite, pour ne s’attirer pas pis, et de lui conseiller encore de sortir de Paris, où il étoit hardi de demeurer. Je tâchai de l’adoucir, de peur de pis en effet pour le malheureux ex-ministre, et j’y réussis assez bien en ne le contredisant pas sur des choses inutiles.

Je fus ensuite chez Chamillart, que je voyois fort assidûment, qui me conta que Bergheyck l’étant allé voir, et lui ayant affaire dans le quartier du duc d’Albe, chez qui Bergheyck vouloit aller au sortir de chez lui, il l’y avoit mené