Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que leur différent genre de vie, depuis que la disgrâce du père et la charge du fils les avoit séparés de lieux. Chevreuse et Beauvilliers, sans secret l’un pour l’autre, étoient réservés avec les leurs, et, bien que cousins germains de Torcy, un fumet de janséniste les écartoit de lui fort au delà du but.

D’Antin et Mme la Duchesse, entièrement unis de vue, de besoins réciproques de vices et de lieux, se déficient fort des deux Lorraines, avec des confidences néanmoins et l’extérieur le plus intime, que le dessein commun soutenoit pendant la vie du roi, en attendant qu’ils s’entr’égorgeassent tous après, pour la possession unique de Monseigneur, devenu roi. Cette cabale frayoit avec celle des seigneurs ; mais elle en étoit découverte et intérieurement haïe et crainte comme ayant été celle de Vendôme.

Pour celle des ministres, rien de plus opposé, quoique Torcy et Mme la Duchesse, et par conséquent d’Antin, eussent des ménagements réciproques par la Bouzols, sœur de Torcy, amie intime de tous les temps, et de toutes les façons, de Mme la Duchesse, et qui, avec une figure hideuse, étoit charmante dans le commerce, avec de l’esprit comme dix démons.

Telle étoit la face intérieure de la cour dans ce temps orageux, signalé par deux chutes si profondes, qui sembloient en préparer d’autres.




CHAPITRE XVII.


Blécourt relève Amelot en Espagne, mais avec caractère d’envoyé. — Tournai investi, bien muni ; Surville et Mesgrigny dedans. — Affaire du rappel des troupes d’Espagne. — Éclat à Marly sur le