Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/291

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

apprendre. Cette singularité fit une nouvelle, car il n’en faut pas davantage à la cour. Les gens des autres cabales en riaient et disoient tout haut qu’ils alloient envoyer charitablement avertir chez la duchesse de Chevreuse et chez le duc de Beauvilliers, où à heure si indue on les croyoit sûrement perdus.

Cette cabale des seigneurs tâcha de prendre l’ascendant et soutint longtemps l’autre, à force de hardiesse. Peu après le retour de cet orageux Marly à Versailles, M. de Chevreuse, raisonnant dans la chambre du roi avec quelques personnes, en attendant qu’il allât à la messe, le maréchal de Boufflers les joignit et brusqua le ducs d’humeur, et pour le coup sans raison, et s’engoua de dire, et de dire si mal, que quelques-uns des siens, qui par hasard s’y trouvèrent, ne purent s’empêcher de l’avouer, toutefois sans rien d’offensant.

Toutes ces choses me firent beaucoup de peine par les suites d’aversion que j’en craignois. Tous deux étoient intimement mes amis, et les ducs de Chevreuse et de Beauvilliers n’étoient qu’un ; autre raison du plus grand poids pour moi. Je connoissois leur naturelle faiblesse, et combien le maréchal étoit poussé, qui jusqu’alors avoit bien vécu avec eux, au moins avec mesure. Je redoutois un orage conduit par Mme de Maintenon, pressé par sa cabale, tous gens fermes et actifs. J’essayai donc d’abord d’adoucir Boufflers, et je reconnus que la chose n’étoit pas en état d’être précipitée ; en même temps je fis des pas vers les deux ducs, tant pour les ramener au maréchal que pour les exciter à se cramponner bien, mais sans leur rien dire de tout ce que je voyois, pour ne pas intimider des gens déjà trop timides.

M. de Beauvilliers m’étant venu voir dans ces entrefaites, et m’ayant trouvé seul, je voulus en profiter. Je le mis sur ce qui s’étoit passé à Marly, il me le conta sobrement et avec indifférence, mais franchement ; je lui contestai son