Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/293

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

affranchir de tout autre soin que de celui de vaquer uniquement à son salut, je n’avois nulle volonté de lui rien opposer, encore que je me persuadasse que je ne manquerois pas de bonnes raisons de conscience pour le faire ; qu’en ce cas-là il devoit dès aujourd’hui remettre ses emplois, se retirer dans le lieu qu’il jugeroit le plus propre à son dessein, et abdiquer tout soin de ce monde : mais que, s’il pensoit que chacun devoit travailler en sa manière dans sa vocation particulière, et selon la voie à Dieu avoit conduit et établi les divers particuliers de ce monde, chacun dans son état, pour rendre compte à Dieu de ses talents et de ses rouvres, et qu’il ne crût pas sa carrière remplie, il n’étoit pas douteux qu’il ne dût demeurer dans le monde, et dans les fonctions où il avoit plu à la Providence de l’appeler, non pour en jouir à sa manière, niais pour y servir Dieu et l’État, et que de cela il compteroit devant Dieu comme feroit un moine de sa règle ; que cela étant ainsi, il ne lui devoit pas suffire d’aller par routine aux différents conseils où il avoit sa voix, et d’y dire son avis par forme et avec nonchalance, content d’avoir parlé selon ce qu’il croyoit meilleur, et peu en peine de l’effet de son avis comme feroit un moine qui, assidu au chœur, psalmodieroit avec les autres, content d’avoir prononcé les psaumes dans la cadence accoutumée, peu en peine d’y appliquer son esprit et son cœur, ni de réfléchir que sa présence corporelle et l’articulation de ses lèvres étoit insuffisante sans cette double application ; que l’état de ministre, surtout dans des conjonctures aussi critiques que celles où on se trouvoit actuellement, demandoit en ses avis non seulement la probité et la sincérité, mais la force pour les soutenir et les faire valoir leur juste poids, et de s’opposer généreusement, non pour son intérêt particulier, mais pour le bien de l’État trop chancelant, à des cabales dont le but étoit d’arriver à des fins particulières, et qui par sa destruction priveroient l’État de ses avis, qui néanmoins lui paraissoient tels à lui-même que sa conscience l’empêchoit