Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/312

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suite. Dès qu’il fut averti de la capture, il alla trouver Besons, à qui il dit tout ce qu’il put de plus soumis pour excuser ce qu’il venoit de faire exécuter sans sa permission ni sa participation, dans son armée, fondé sur un ordre par écrit, de la main propre du roi d’Espagne, qu’il lui fit lire. Besons, tout irrité qu’il étoit, l’écouta sans l’interrompre, et lut l’ordre du roi d’Espagne positif pour cette exécution, et pour ne lui en rien communiquer. En le rendant au marquis d’Aguilar, il lui dit qu’il falloit que Flotte, qu’il avoit connu et cru un garçon fort sage, fût bien coupable, puisque, appartenant à M. le duc d’Orléans, le roi d’Espagne se portoit à cette extrémité.

Il congédia Aguilar étonné au dernier point ; mais sans perdre le jugement, il manda l’aventure à M. le duc d’Orléans, l’avertit qu’il n’en rendroit compte au roi que par l’ordinaire, qui ne pourroit arriver que six jours après un courrier qu’il venoit [de] dépêcher, le fit rattraper avec ce billet, avec ordre de le rendre à M. le duc d’Orléans à l’insu de qui que ce fût, de manière que ce prince en fut averti six jours entiers avant le roi et avant personne. Il tint le cas si secret qu’il m’en fit un à moi-même, et cependant je ne sais quel usage il fit de l’avis reçu si fort à temps. Il vint au roi par l’ordinaire qui arriva le 12 juillet de l’armée et de Madrid. Le roi le dit à son neveu, qui fit le surpris et qui avoit eu le loisir de se préparer. Il répondit au roi qu’il étoit étrange qu’on arrêtât ainsi un de ses gens ; qu’ayant l’honneur de lui appartenir de si près, c’étoit à Sa Majesté à en demander raison, et à lui à l’attendre de sa justice et de sa protection. Le roi repartit que l’injure le regardoit plus en effet lui-même, que son neveu, et qu’il alloit donner ordre à Torcy d’écrire là-dessus comme il falloit en Espagne.

Il n’est pas difficile de comprendre qu’un tel éclat fit grand bruit en Espagne et en France ; mais quel qu’il fût d’abord, ce ne fut rien en comparaison des suites. J’en parlai alors à M. le duc d’Orléans qui me dit ce qui a été raconté