Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/362

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

reçut de son indiscrétion qui l’avoit déjà coulé à fond une fois. Il avoit mangé plusieurs fois avec le prince Eugène et le duc de Marlborough, entre les deux sièges et après la dernière capitulation. On y parla du maréchal de Villars, qui prétendit y avoir été maltraité, et que Surville, ou complaisant ou en pointe de vin, ne l’avoit pas ménagé. Surville aussi étoit blessé contre le maréchal de n’avoir pas fait la moindre démonstration pour son secours, en sorte que les plaintes furent vives de part et d’autre. Surville pourtant, ne se sentant pas le plus fort, voulut capituler, mais il trouva un homme aisé à prendre le montant, et qui, plein de sa fortune, ne pardonnoit point.

Outre ce point de Villars, on répandit que les deux généraux ennemis parlèrent à Surville, et à table, des dernières conditions de paix qui firent rompre Torcy à la Haye, et qu’ils dirent qu’on n’auroit jamais osé proposer au roi de procurer, lui-même, par la force, la destitution du roi d’Espagne, comme une chose qui étoit contre la nature et contre toute bienséance, si un de ses principaux ministres, désignant Chamillart, et dont le nom enfin leur échappa, ne leur en eût donné la hardiesse, en écrivant au duc de Marlborough, qui en avoit encore la lettre, que dès qu’il ne s’agiroit que du retour du roi d’Espagne, cet article n’arrêteroit pas la paix, et qu’il ne craignoit pas, en l’avançant de la sorte, d’être désavoué du roi.

Ce propos fit grand bruit et fut extrêmement relevé par les ennemis du malheureux ex-ministre. Je lui demandai depuis si cela avoit quelque fondement. Il m’assura que longtemps avant de sortir de place, il ne s’étoit plus mêlé de la paix, et que pour cette lettre rien n’étoit plus faux ni plus absurde. Cela ne laissa pas d’exciter contre lui des murmures désagréables. Pour Surville, il demeura perdu sans retour. Il s’enterra chez lui, en Picardie, fort mal à son aise d’ailleurs, et on ne le vit presque plus.

Beauvau, qui de Bayonne avoit passé à l’évêché de Tournai,