Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/413

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et il apprit à M. de Luxembourg tout ce que lui-même avoit été jusqu’alors le premier à lui cacher. Le pauvre homme fut étrangement surpris et très subitement consolé.

Cet automne fut la dernière saison qui vit debout le fameux monastère de Port-Royal des Champs, en butte depuis si longtemps aux jésuites, et leur victime à la fin. Je ne m’étendrai point sur l’origine, les progrès, les suites, les événements d’une dispute et d’une querelle si connue, ainsi que les deux partis moliniste et janséniste, dont les écrits dogmatiques et historiques feroient seuls une bibliothèque nombreuse, et dont les ressorts se sont déployés pendant tant d’années à Rome et en notre cour. Je me contenterai d’un précis fort court, qui suffira pour l’intelligence du puissant intérêt qui a tant remué de prodigieuses machines, parce qu’on n’en peut supprimer les faits qui doivent tenir place dans ce qui s’est passé de ce temps.

L’ineffable et l’incompréhensible mystère de la grâce, aussi peu à portée de notre intelligence et de notre explication que celui de la Trinité, est devenu une pierre d’achoppement dans l’Église, depuis que le système de saint Augustin sur ce mystère a trouvé presque aussitôt qu’il a paru des contradicteurs dans les prêtres de Marseille. Saint Thomas l’a soutenu ainsi que les plus éclairés personnages ; l’Église l’a adopté dans ses conciles généraux, et en particulier l’Église de Rome et les papes.

De si vénérables décisions et si conformes à la condamnation faite et réitérée par les mêmes autorités, de la doctrine des pélagiens et des demi-pélagiens, n’a pu empêcher une continuité de sectateurs de la doctrine opposée qui, n’osant se présenter de front, ont pris diverses sortes de formes, pour se cacher à la manière des demi-ariens autrefois.

Dans les derniers temps, les jésuites, maîtres des cours par le confessionnal de presque tous les rois et de tous les