Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/432

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prit occasion de répandre et de persuader au roi que je blâmois le gouvernement, que j’en étois ennemi, et tout ce qui se put broder là-dessus pour l’aigrir. Comment encore s’aller excuser sur cet article, et quoique Vendôme fût en disgrâce, comment aller montrer au roi ce projet contre son petit-fils, où trempoient tant de gens si considérables, et lors encore si considérés et si bien traités, et dont il s’en trouvoit qui, en tout genre, lui tenoient de si près ?

Je trouvois donc le mal sans remède, par cela même qu’il étoit sans consistance sur laquelle les remèdes pussent agir, et je ne me trouvois pas disposé à avaler continuellement des dégoûts, en demeurant à la cour, et à une basse servitude que je n’avois jamais pratiquée, et pour laquelle je ne me sentois point fait, pour arriver à quoi que ce fût de mieux, à plus forte raison, à pure perte.

Mme de Saint-Simon, sans se compter elle-même pour rien, me représentoit doucement les suites dangereuses du parti que je voulois prendre : l’amortissement du dépit, l’ennui d’une vie désoccupée, la stérilité de la promenade et des livres pour un homme de mon état, dont l’esprit avoit besoin de pâture, et étoit de tout temps accoutumé à penser et à faire, les regrets que leur inutilité appesantiroit, le long temps qu’ils pouvoient durer à mon âge, l’embarras et le chagrin qui accompagneroient l’entrée de mes enfants dans le monde et dans le service, les besoins continuels de la cour pour la conservation de son propre patrimoine, et les inconvénients ruineux d’en être maltraité ; enfin la considération des changements qui pouvoient arriver et que devoit amener la disproportion des âges.

Nous en étions là-dessus, toutefois mon parti pris de passer quatre mois d’hiver à Paris et huit à la Ferté, sans voir la cour qu’en passant ou par pure nécessité d’affaires, et de laisser liberté à Mme de Saint-Simon sur moins de séjour, à la campagne, lorsque nous apprîmes la mort de celui qui, depuis plus de trente ans, conduisoit toutes nos