Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

est-il certain que, quelques mois avant sa mort, Mme la duchesse de Bourgogne l’étant allée voir à Meudon, elle monta dans le sanctuaire de son entre-sol, suivie de Mme de Nogaret, qui par Biron et par elle-même encore en avoit la privance, et qu’elles y trouvèrent Monseigneur, avec Mlle Choin, Mme la duchesse et les deux Lislebonne, fort occupés à une table sur laquelle étoit un grand livre d’estampes du sacre, et Monseigneur fort appliqué à les considérer, à les expliquer à la compagnie, et recevant avec complaisance les propos qui le regardoient là-dessus, jusqu’à lui dire : « Voilà donc celui qui vous mettra les éperons, cet autre le manteau royal, les pairs qui vous mettront la couronne sur la tête, » et ainsi du reste, et que cela dura fort longtemps. Je le sus deux jours après de Mme de Nogaret, qui en fut fort étonnée, et que l’arrivée de Mme la duchesse de Bourgogne n’eût pas interrompu cet amusement singulier, qui ne marquoit pas une si grande appréhension de perdre le roi et de le devenir lui-même.

Il n’avoit jamais pu aimer Mme de Maintenon, ni se ployer à obtenir rien par son entremise. Il l’alloit voir un moment au retour du peu de campagnes qu’il a faites, ou aux occasions très-rares ; jamais de particulier ; quelquefois il entroit chez elle un instant avant le souper, pour y suivre le roi. Elle aussi avoit à son égard une conduite fort sèche, et qui lui faisoit sentir qu’elle le comptoit pour rien. La haine commune des deux sultanes contre Chamillart, et le besoin de tout pour le renverser, les rapprocha comme il a été dit, et fit le miracle d’y faire entrer puissamment Monseigneur ; mais qui ne l’eût jamais osé sans l’impulsion toute-puissante de la sienne, la sûreté de l’appui de l’autre, et tout ce qui s’en mêla. Aussi ce rapprochement ne fit depuis que se refroidir et s’éloigner peu à peu.

Avec Mlle Choin, sa vraie confiance étoit en Mlle de Lislebonne, et par l’intime union des deux sœurs, avec Mme d’Espinoy. Presque tous les matins, il alloit prendre