Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/166

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par prêt, et encore pour avoir fait un trop grand honneur à Mme sa mère et pour l’unique fois que cela étoit arrivé, elle trouveroit bon de se contenter de la réprimande qu’elle alloit lui en faire. Mme la duchesse de Berry insista, pleura, ragea ; Mme de Saint-Simon la laissa dire, gronda doucement l’huissier, et lui apprit son cérémonial.

Les maisons faites, la cour, qui trouvoit en Mme la duchesse de Bourgogne les jeux, les ris, les distinctions, les espérances, ne se partagea point, et laissa fort solitaire Mme la duchesse de Berry, où rien de tout cela ne s’offroit, qui s’en prit à Mme la duchesse de Bourgogne, et fit si bien qu’elle mit M. le duc de Berry de son côté, et le brouilla avec elle. De l’aveu de Mme la duchesse de Bourgogne, rien de si sensible ne lui est jamais arrivé que cet éloignement et cette aigreur sans cause ni raison d’un prince avec qui elle avoit toujours vécu dans l’intelligence la plus intime et la plus entière. Quelques contre-temps forts et trop publics, arrivés à Mme la duchesse de Berry, dont Mme la duchesse de Bourgogne avoit doucement abandonné toute conduite dès avant ce dernier trait, allèrent jusqu’au roi et à Mme de Maintenon, qui leur ouvrirent les yeux. Celle-ci, outrée de s’être si lourdement trompée, ne put se taire, et Mme la duchesse de Bourgogne, poussée à bout d’être brouillée avec M. le duc de Berry par la seule malignité de Mme la duchesse de Berry, après tout ce qu’elle avoit d’ailleurs essuyé d’elle, rompit enfin le silence qu’elle avoit gardé jusqu’alors. Les choses tendoient à un éclat ; mais le roi, qui vouloit vivre doucement dans sa famille et s’y faire aimer, espéra que la frayeur corrigeroit Mme la duchesse de Berry, et voulut se contenter qu’elle sût qu’il n’ignoroit rien, et que, pour cette fois, il vouloit bien n’en rien témoigner. Ce ménagement persuada Mme la duchesse de Berry, ou qu’on n’osoit lui imposer, ou qu’on ne savoit comment s’y prendre. Au lieu de s’arrêter, elle continua avec plus de licence, et se mit au point que les matières combustibles qu’elle s’étoit préparées