Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/168

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demander la vérité. M. le duc d’Orléans, qui survint, apaisa la chose le mieux qu’il put.

Mme la duchesse de Berry n’avoit point interrompu Mme de Saint-Simon, mais elle crevoit de dépit de se voir sur le point d’une sévère réprimande, et son orgueil souffroit impatiemment ce qu’elle entendoit. Elle répondit néanmoins, avec une honnêteté forcée, qu’elle vouloit demeurer persuadée que Mme de Saint-Simon n’étoit entrée en rien puisqu’elle le disoit. Mme de Saint-Simon la laissa là-dessus avec M. le duc d’Orléans, outrée de mon absence, dans l’ardeur de quitter malgré eux tous, quelque dignement et flatteusement qu’elle en fût traitée. Elle parla aussi à Madame, avec qui en tout temps elle avoit toujours été très-bien, et à Mme la duchesse d’Orléans qu’elle voyoit sans cesse, après quoi elle attendit ce que deviendroit l’orage.

Il fondit le lendemain. Le roi, avant dîner, manda Mme la duchesse de : Berry dans son cabinet. La romancine fut longue, et de l’espèce de celles qu’on ne veut pas avoir la peine de recommencer. L’après-dînée il fallut aller chez Mme de Maintenon, qui, sans parler si haut, ne parla pas moins ferme. Il est aisé de concevoir quelle impression cela acheva de faire en Mme la duchesse de Berry à l’égard de Mme la duchesse de Bourgogne, sur qui tout le ressentiment en tomba. Elle ne tarda guère à voir que Mme de Saint-Simon n’y avoit eu aucune part, et à lui en parler en personne qui le veut et le sait témoigner en réparation du soupçon.

Cet éclat fit une nouvelle publique, qui mit de plus en plus au désespoir la princesse qui l’éprouvoit. La solitude augmenta chez elle, les dégoûts lui furent peu ménagés. Elle faisoit quelquefois des efforts pour regagner quelque terrain ; mais la répugnance qui les accompagnoit leur donnoit si mauvaise grâce, et ils étoient d’ailleurs si froidement reçus, qu’ils en devenoient de tous les côtés de nouveaux sujets d’éloignement.