Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/190

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funestement capital mérite d’être un peu plus expliqué dès son origine.

Lors du plus grand mouvement, en 1694, du procès entrepris par M. de Luxembourg contre ses anciens, il fut fait un projet, que j’ignorai longtemps depuis, qui régloit en forme de déclaration du roi les transmissions contestées de la dignité de duc et pair, laquelle excluoit presque entièrement les femelles, mais qui, avec cet appât aux ducs, les assommoit par l’établissement du grand rang des enfants naturels du roi. Harlay, premier président, qui papegeoit [1] pour la place de chancelier que le cadavre de Boucherat remplissoit encore ; qui, procureur général, avoit ouvert la voie en faisant légitimer le chevalier de Longueville, tué depuis, sans nommer la mère ; qui avoit eu pour cet exécrable service, parole réitérée des sceaux, voulut, vil et détestable esclave du crime et de la faveur, cueillir les fruits de son ouvrage par ce couronnement inouï de ces enfants, qui, sans lui et son invention cauteleuse et hardie, eussent forcément été ceux de M. de Montespan, peut-être des enfants trouvés dans l’impuissance d’énoncer père ni mère. C’étoit donc bien moins en faveur de la paix que cette déclaration avoit été conçue, et pour mettre des bornes fixes et précises aux transmissions des duchés femelles que pour la grandeur des bâtards. Harlay y avoit fait consentir M. de Luxembourg et son fils. Mais ce projet fut tant tourné, rebattu, rajusté, que le roi, du goût duquel ces choses ne furent jamais, l’abandonna, sitôt que par une voie plus militaire, et telle qu’elle a été racontée, il eut trouvé plus court de donner à ses fils naturels, et bientôt après à leur postérité, en la personne du duc de Vendôme, une préséance énorme, qui, lui ayant paru alors le comble de leur grandeur et de

  1. Papegeait pour la place signifie visait à la place. Le verbe qu’emploie Saint-Simon vient du mot papegai, qui désignait un oiseau de carton ou de bois peint que l’on plaçait au bout d’une perche ou d’un poteau pour exercer à tirer de l’arc, de l’arbalète ou de l’arquebuse.