Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/201

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Henri IV. C’est ce que nous devons toujours avoir devant les yeux comme ce qu’il y a de plus important, car c’est là ce qui nous blesse le plus essentiellement. Ainsi, avec ce dessein-là, que nous ne devons jamais perdre de vue, je ne puis être d’avis de passer une déclaration qui fortifie ce qui ne l’est déjà que trop, et ce que nous devons détruire. Je vous parle à cœur ouvert, ajouta-t-il avec un air plus serein, sentant peut-être ma surprise ; je sais qu’on peut vous parler ainsi, tous ceux qui ont un reste de sentiment ne peuvent penser autrement. »

Quelque étourdi que je fusse d’une franchise si peu attendue, je lui avouai que je sentois la même peine que lui sur les bâtards, ravi de le trouver sur ce chapitre tout autre que j’avois lieu de le croire. Nous nous y étendîmes un peu avec ouverture et une secrète admiration en moi-même de tout ce que cachent les replis du cœur d’un véritable courtisan. Ensuite je lui dis qu’étant entièrement de son avis sur le futur, je croyois pouvoir n’en être pas sur le présent, parce que, ce qui étoit fait ne subsistant pas, il ne falloit pas compter qu’une confirmation de plus ou de moins fût le salut ou la ruine de rangs de cette nature ; que si dans la suite ils se pouvoient renverser, l’article de l’édit dont je lui parlois ne seroit pas plus considérable que les déclarations enregistrées qui les regardoient expressément, ni que leur possession ; que cet article, regardé alors du même œil, et d’un œil sain, seroit détaché de l’édit sans en altérer le corps, dont la disposition en soi juste conserveroit toute sa force et ne blessoit personne ; et que nous pouvions aisément compter sur ce crédit ; si nous en avions assez pour réussir dans une chose aussi considérable que de remettre les bâtards à raison, et au rang de leur ancienneté parmi nous ; que si, au contraire, ils demeuroient ce qu’ils ont été faits, ce seroit un assez grand malheur pour nous, pour ne pas y vouloir joindre celui de nous priver d’un édit aussi avantageux pour tout le reste, dont je lui fis sentir toute