Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/221

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Je lui rendis évident le peu de solidité d’un couronnement fait par tous les parents masculins d’un roi héréditaire, et d’une monarchie qui est l’unique soumise à la loi salique. Je lui fis honte de l’infamie d’une représentation si éminente par des bâtards, et à titre de bâtards. Enfin je n’oubliai rien de ce que la douleur la plus pathétique et l’instruction la plus puissamment réveillée me purent suggérer.

Mais ce fut là où je trouvai tout à la fois le magistrat et le courtisan, contre lequel j’eus enfin peine à me retenir. Il me protesta que ce souvenir étoit venu du roi tout seul, et qu’il n’avoit pu le détourner de cet article non plus que de l’autre, à quoi je pense bien qu’il n’épuisa pas ses efforts. J’essayai de le frapper par le nombre et le poids de nos pertes. Voyant enfin que je ne gagnois rien, je me tournai à le prier de faire arrêter le projet de règlement. Ce fut là que les grands coups se ruèrent de part et d’autre. Il ne put souffrir cette proposition, ni moi de m’en désister. Je lui soutins que cette plaie portoit droit au cœur, et qu’en attaquant jusqu’à cet excès tout ce que la dignité avoit de plus ancien, de plus auguste, de plus inhérent, rien ne pouvoit être bon. Il étala les avantages de tous les procès retranchés par les articles des ayant cause et des femelles, et de ceux des substitutions et du rachat forcé des héritières femelles. Je convins de l’avantage de ces articles ; mais j’ajoutai que non-seulement ceux-là, mais qu’un règlement composé par moi-même en pleine liberté, et tout à mon gré, mais à condition de cet article du sacre, ne nous pourroit être que parfaitement odieux. Je le pressai de reparler au roi là-dessus, qui avoit souvent dit lui-même que, outre des princes du sang, il falloit des pairs pour représenter les anciens au sacre, qui pouvoit être ramené sur une chose qu’il ne pouvoit jamais voir. Le chancelier fut ébranlé ; il me promit même toute assistance ; mais j’eus lieu de croire, par une réponse que j’en reçus le lendemain à une lettre dont j’avois redoublé mon instance, que l’homme de robe, bien tranquille