Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/237

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étranglé si on ne finissoit pas par être de votre avis. Envoyez-moi toujours votre mémoire, monsieur ; cela en facilitera une seconde lecture avec vous et la rendra plus intelligible. Soyez toujours très-muet, mais exaltez-vous dans l’esprit de vérité, et ne vous abaissez pas au-dessous de l’argile pour perdre un cheveu de votre perruque quand vous en gagnez une entière. Permettez-moi, à mon tour, un heu ! profondément redoublé sur les torts d’un ami aussi estimable que vous l’êtes pour moi, et aussi aimable en toute autre chose. » Ces deux lettres caractérisent merveilleusement ceux qui les ont écrites, et pour le moins aussi bien celui à qui ils avoient affaire : les deux suivantes le feront encore mieux. Voici celle du chancelier du 5 mai.

« J’ai lu, monsieur, et relu avec toute l’attention et le plaisir qu’une telle lecture donne à un homme comme moi, et avec toutes les pauses et les réflexions réitérées qu’une pareille matière exige, et votre lettre et votre mémoire, et votre abrégé de mémoire. Je vous renvoie la lettre. Les raisons de ce renvoi sont dans ma réponse d’hier. Je garde le reste ; il est pour moi, s’il vous plaît ; vous en avez la source dans votre esprit, les minutes dans vos papiers. Ce que je garde me tiendra lieu de tout cela, c’est beaucoup pour moi. À l’égard de la question, je suis pour vous, monsieur ; je vous l’ai déjà dit, mon suffrage sera toujours à votre avantage. Ce qui vous surprendra, c’est que ce ne seroit pas par vos raisons. Votre première et grande raison, que vous tirez des foi et hommage, n’est pas vraie dans le principe des fiefs, et votre dernière grande raison, que vous tirez de l’intérêt des rois mêmes, n’est en bonne vérité qu’un jeu d’esprit, et qu’un sophisme aussi dangereux qu’il est aussi bien tourné qu’il puisse l’être, et aussi noblement et artistement conçu qu’on puisse l’imaginer. Mais après mille et mille ans de discussion, où, sans en rien dire davantage, trouvez-vous, suivant votre terme d’hier, que cette discussion soit