Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/328

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ce que je lui racontai, mais toujours plus sage, m’exhorta à ne rien marquer, à vivre avec Ponchartrain à l’ordinaire, à laisser reposer cette fantaisie, à la laisser dissiper et à ne pas croire qu’il pût s’aheurter à une prétention qui le devoit toucher si peu, et sur laquelle il me voyoit si sensible. J’en usai comme elle le désira, accoutumé par amitié et par une heureuse expérience à déférer à ses avis.

Au bout de quelque temps elle lui parla. Il se confondit en respects, mais sans rien de plus solide. Peu après, étant à Marly, il me dit qu’il étoit résolu à tout faire pour me contenter ; qu’il croyoit néanmoins qu’il valoit mieux ne point traiter l’affaire ensemble ; et qu’il me prioit de trouver bon d’entendre là-dessus d’Aubanton, un de ses premiers commis. J’y consentis sans entrer plus avant en matière.

Deux jours après, Aubanton vint un matin chez moi. J’écoutai patiemment une flatteuse rhétorique pour me faire goûter ce que Pontchartrain m’avoit proposé. Je voulus bien expliquer les mêmes raisons que j’ai abrégées plus haut. Aubanton n’eut rien à y répondre, sinon d’essayer de me persuader que, par la nécessité de mon agrément, j’avois le fond de la chose, et le capitaine garde-côte l’écorce par sa nomination. Je voulus bien encore parler honnêtement. Je répondis qu’il étoit du bon sens de la prudence et de l’usage, de terminer les choses durables d’une manière qui le fût aussi ; que je voulois bien ne pas douter qu’aucune nomination du capitaine garde-côte ne seroit expédiée que de mon agrément, tant que Pontchartrain et moi serions, lui en place d’expédier, moi d’agréer ou non, mais que cela pouvoit changer par la mutation de toutes les choses de ce monde, qu’alors je serois pris pour dupe par un autre secrétaire d’État qui ne se croiroit pas tenu aux mêmes égards ; qu’avec Pontchartrain même ces égards pouvoient devenir susceptibles de mille queues fâcheuses, lorsque le capitaine garde-côte et moi ne serions pas d’accord sur les