Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

plus que lui et l’abbé Morel qui les eussent achetées ; le roi les avoit toutes retirées peu à peu par scrupule de simonie [1]. Il croyoit avec raison que ces charges s’achetoient pour se frayer et s’abréger le chemin aux abbayes et à l’épiscopat, et que c’étoit indirectement les acheter. Cette considération fit l’évêque de Séez premier aumônier de M. le duc Berry, pour la plupart du prix de sa charge, dont le roi lui paya le surplus. C’étoit un très-bon et honnête homme.

Je procurai à Coettenfao, mon ami de tout temps, la charge de chevalier d’honneur de Mme la duchesse de Berry, la plus belle sans comparaison, et la plus commode de toutes à faire, et qui portoit naturellement à être chevalier de l’ordre. II étoit lieutenant général, et des bons, et premier officier des chevau-légers, qu’il vendit. Pour m’être trop pressé, il n’eut point là diminution que la difficulté de vendre introduisit quelque temps après qu’il fut pourvu. Le chevalier d’Hautefort acheta la charge de premier écuyer ; le frère de son père l’étoit de la reine. Il fut curieux de voir en même temps lui avec cette charge chez une fille de France, et son frère écuyer de M. le comte de Toulouse, lequel encore faisoit l’important. Saumery, frère du sous-gouverneur des princes, mais homme droit, simple et d’honneur, qui s’ennuyoit de sa retraite après avoir longtemps servi, acheta la charge de premier maître d’hôtel, et la remplit très-honnêtement.

Celle de premier aumônier demeura longtemps à vendre,

  1. Trafic des choses saintes et spécialement des dignités ecclésiastiques. Fleury (Instit. au droit écclés., IIIe part., chap. xi) détermine les cas de simonie : vendre ou acheter la prédication ou l’administration des sacrements, en sorte que l’on refuse d’instruire, de baptiser, de donner l’absolution des péchés, sinon à certain prix ; vendre l’ordination des évêques, des prêtres, des diacres ou des autres ministres de l’Église, et par conséquent la collation des offices ecclésiastiques et des revenus qui y sont attachés. « Les canons traitent encore de simonie d’exiger quelque chose pour la permission d’enseigner (il s’agit ici d’enseignement religieux), pour l’entrée dans les monastères qui ne doit avoir pour but que la pénitence et la perfection chrétienne, pour la consécration des églises, etc. »