Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/376

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que les princes du sang lui avoient faites ; sur toutes il ne put souffrir l’attribution aux princes du sang, par l’édit, de la représentation des anciens pairs au sacre, à l’exclusion des pairs. Il sentoit parfaitement toute la force d’expression des diverses figures de cette auguste cérémonie, et il me laissa bien clairement apercevoir qu’il vouloit être couronné comme l’avoient été ses ancêtres. Moins informé des temps et des occasions des usurpations des princes du sang sur les pairs, que des usurpations mêmes, je l’en entretins avec un grand plaisir de sa part, plus soigneux de le suivre et de satisfaire à ses questions pour entretenir son feu et sa curiosité, que de lui faire des récits et une suite de discours. En garde contre l’écoulement du temps, lorsque je le crus pour cette fois suffisamment instruit sur les princes du sang, je m’aidai de la grandeur des bâtards, qui avoit si fort servi à augmenter celle des princes du sang, pour amener le Dauphin aux légitimés. C’étoit une corde que je voulois lui faire toucher le premier, pour sentir au son qu’il lui donneroit le ton que je devois prendre à cet égard. Ma sensibilité sur tout ce qu’ils nous ont enlevé, et le respect du Dauphin pour le roi son grand-père, m’étoient également suspects, de manière qu’attentif à le suivre sur les princes du sang, et à ne faire que lui montrer les autres, je fus longtemps à le faire venir à mon point. Il y tomba enfin de lui-même. Prenant alors un ton plus bas, des paroles plus mesurées, mais en échange un visage plus significatif, car mes yeux travailloient avec autant d’application que mes oreilles, il se mit sur les excuses du roi, sur ses louanges, sur le malheur de son éducation, et celui de l’état où il s’étoit mis de ne pouvoir entendre personne. Je ne contredisois que de l’air et de la contenance, pour lui faire sentir modestement combien ce malheur portoit à plein sur nous. Il entendit bien ce langage muet, et il m’encouragea à parler. Je préludai donc comme lui par les louanges du roi, par les plaintes que lui-